Symposium des Architectes Africains : Un plaidoyer pour des villes durables face à la crise urbaine

Symposium des Architectes Africains : Un plaidoyer pour des villes durables face à la crise urbaine

Ce vendredi 16 mai 2025, au siège de l’Ordre des Architectes du Sénégal (ODAS) à Dakar, s’est tenu un point de presse de haut niveau en prélude au Premier Symposium des Architectes Africains sur les villes, prévu du 22 au 24 mai prochains au Centre International de Conférences Abdou Diouf (CICAD) de Diamniadio. L’évènement, coorganisé avec le Ministère de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des Territoires, s’inscrit dans une dynamique continentale de réflexion et d’action sur les défis urbains qui secouent l’Afrique.

Autour de la table, plusieurs figures majeures du secteur de l’urbanisme et de l’architecture ont pris la parole. Parmi eux, Mohamadou Lamane Diop, président de l’Ordre des Architectes du Sénégal, Seydou Sy Sall, urbaniste et président du comité scientifique du symposium, et Mamadou Berthé, architecte et vice-président dudit comité scientifique. Tous ont mis en lumière l’urgence d’agir face à la crise de l’urbanisation galopante, en particulier au Sénégal, devenu un laboratoire de la croissance urbaine incontrôlée.

Une crise urbaine majeure au Sénégal

Dès l’entame de la rencontre, Mohamadou Lamane Diop a planté le décor :

« Le Sénégal, comme beaucoup de pays africains, vit une crise urbaine structurelle qui touche toutes les composantes de la ville. Le désordre foncier, le déficit criard en logements décents, la précarité des infrastructures de base, la prolifération des quartiers irréguliers et l’inefficacité des politiques de mobilité urbaine constituent les symptômes visibles de cette crise. »

Le président de l’ODAS a rappelé que cette situation n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat d’un urbanisme longtemps piloté sans vision claire, souvent sous l’impulsion de l’urgence, sans anticipation ni concertation avec les professionnels de la ville.

« Trop souvent, les architectes sont convoqués après coup, pour tenter de maquiller des erreurs de planification. Ce symposium vise justement à rétablir la place des architectes dans la fabrique de la ville. »

Une croissance urbaine sans précédent

La ville de Dakar, avec ses 3,8 millions d’habitants, incarne à elle seule l’ampleur des défis. Selon les projections, plus de la moitié de la population sénégalaise vivra en zone urbaine d’ici à 2035. Cette croissance démographique rapide s’accompagne d’un étalement anarchique et d’une surconsommation du sol.

Seydou Sy Sall, président du comité scientifique, a tenu à insister sur les risques à long terme :

« Il faut comprendre que cette urbanisation sauvage engendre un déséquilibre systémique. Elle fragilise la résilience climatique des villes, alourdit les dépenses publiques en infrastructures et accentue les inégalités sociales. »

Il a souligné que la planification urbaine ne peut plus être l’affaire exclusive des administrations centrales :

« Il est impératif d’associer les architectes, les urbanistes, les collectivités territoriales et les citoyens à la définition de nos modèles urbains. L’urbanisme de demain doit être participatif, écologique et culturellement enraciné. »

Le rôle central des architectes dans la ville africaine

Mamadou Berthé, architecte sénégalais et vice-président du comité scientifique, est revenu sur la marginalisation dont souffrent les professionnels de l’architecture dans les processus de décision :

« Les architectes ne doivent pas être perçus comme de simples dessinateurs de plans. Nous sommes des bâtisseurs de société, des penseurs de l’espace, des gardiens de l’harmonie entre l’homme, la nature et la ville. »

Il a insisté sur la nécessité de replacer les savoirs endogènes et les techniques de construction locales au cœur des politiques de logement :

« Il ne s’agit pas de copier les modèles européens ou asiatiques. L’Afrique a ses propres réponses à la crise urbaine. Il nous faut les documenter, les valoriser et les adapter à notre époque. »

Le symposium, à ses yeux, représente une plateforme unique pour réconcilier tradition et modernité, en articulant durabilité, innovation et identité culturelle.

Une vision panafricaine pour la ville de demain

L’évènement attendu à Diamniadio réunira des centaines d’experts africains et internationaux, des chercheurs, des artistes, des décideurs publics et privés, des bailleurs de fonds, ainsi que des membres de la société civile. Ensemble, ils réfléchiront aux conditions d’émergence de villes africaines « productives, compétitives, inclusives et résilientes ».

Le thème central, « Perspectives pour une transformation durable des villes africaines », sera décliné en trois axes majeurs :

  1. Les villes africaines en transition vers la durabilité : avec un focus sur la planification spatiale, les énergies renouvelables, la mobilité et la transition numérique.
  2. Face à la crise de l’urbanisation, quelles solutions ? : avec une analyse des pratiques de gouvernance, de résilience climatique, d’équipements urbains et de gestion foncière.
  3. Architecture et développement des villes durables : pour interroger la contribution des architectes à l’inclusion sociale, la conservation du patrimoine bâti et la transformation de l’habitat.

« Ce n’est pas une simple conférence technique. C’est une tribune stratégique pour repenser le futur urbain du continent, en phase avec les objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et la Vision Sénégal 2050 », a martelé Seydou Sy Sall.

Une démarche participative et innovante

La méthodologie du symposium est pensée pour favoriser les échanges : conférence inaugurale, panels thématiques, ateliers participatifs, expositions de projets, rencontres B2B, plénières de restitution… Tout est mis en œuvre pour que la réflexion soit collective et que les recommandations soient actionnables.

Selon Mamadou Berthé, un des temps forts sera l’exposition de projets africains exemplaires dans les domaines de l’habitat, de la mobilité ou encore de la préservation du patrimoine :

« Nous voulons montrer que l’Afrique n’est pas en retard. Elle est en mutation. Il existe des projets inspirants à Dakar, à Kigali, à Accra, à Ouagadougou ou à Cotonou. Nous devons les faire connaître et en tirer des leçons. »

Vers une feuille de route continentale

Parmi les résultats attendus du symposium figurent :

  • L’adoption d’un document de recommandations pour les politiques publiques urbaines.
  • La création d’une plateforme de dialogue permanent entre les acteurs africains de l’architecture et de l’urbanisme.
  • La valorisation de projets de logement social et de modèles de trames d’accueil pour les populations les plus vulnérables.
  • La conclusion de partenariats institutionnels, techniques et financiers.
  • L’élaboration d’une feuille de route pour des actions concrètes à l’échelle du continent.

Mohamadou Lamane Diop a conclu la conférence de presse par un appel solennel :

« L’urbanisation est une opportunité si elle est anticipée, planifiée, maîtrisée. C’est un péril si elle est subie. À travers ce symposium, nous voulons contribuer à une prise de conscience collective. L’Afrique mérite des villes dignes, durables et humaines. »

Une invitation à la presse et au public

Le symposium est ouvert aux professionnels, aux étudiants, aux chercheurs, aux artistes et au grand public intéressé par les enjeux urbains en Afrique. Les organisateurs ont lancé un appel à participation massif, notamment à travers les médias, pour que les débats soient partagés, diffusés et appropriés par le plus grand nombre.

Le rendez-vous est donc pris du 22 au 24 mai 2025 au CICAD de Diamniadio, pour une rencontre qui pourrait marquer un tournant décisif dans la manière de penser et de construire les villes africaines.


El FAYE

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