Le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé, jeudi 4 décembre, la nomination de Mercedes Véra Martin au poste de cheffe de mission pour le Sénégal à compter du début de l’année 2026, selon des informations obtenues auprès de l’institution de Bretton Woods. Jusqu’ici responsable du suivi de la Zambie, l’économiste espagnole succédera à Edward Gemayel, qui avait conduit les discussions les plus récentes avec Dakar.
Cette nomination intervient dans un contexte macroéconomique tendu pour le Sénégal, encore marqué par la révélation en 2024 d’une dette publique « cachée » estimée à plus de 11 milliards de dollars. Cette découverte avait poussé le FMI à suspendre temporairement son soutien financier, tout en accordant à l’État sénégalais un différé de paiement afin d’éviter une détérioration plus prononcée de sa situation.
Un changement stratégique au moment où les négociations patinent
Depuis août 2025, les échanges entre Dakar et le Fonds se poursuivaient sous la coordination d’Edward Gemayel en vue d’un nouveau programme d’appui financier, après plusieurs missions successives dans la capitale sénégalaise. L’arrivée de Mercedes Véra Martin devrait permettre de donner un nouvel élan à ces négociations, à l’heure où les signaux économiques s’assombrissent.
Sur le plan politique, le Premier ministre Ousmane Sonko défend, depuis son arrivée à la tête du gouvernement, une orientation visant à rompre avec le cadre traditionnel de coopération avec les institutions de Bretton Woods, au profit d’un « financement endogène » de l’économie. Cette posture a contribué à accroître l’incertitude des investisseurs internationaux, entraînant une érosion de la confiance des marchés et une série de dégradations de la note souveraine du Sénégal.
En novembre 2025, S&P Global abaissait ainsi la note du pays en devises étrangères à « CCC+ » (contre « B- » auparavant), suivie en octobre par Moody’s, qui rétrogradait la note à « Caa1 » (contre « B3 »). Ces décisions reflètent une inquiétude croissante liée à l’augmentation continue de la dette publique, à des déficits persistants et aux retards observés dans les négociations avec le FMI.
Un mandat axé sur la transparence, la gouvernance et la gestion de la dette
Dans un communiqué interne, l’institution explique que le remplacement à la tête de la mission Sénégal vise à « assurer un suivi renforcé et cohérent » des réformes exigées du pays. Parmi les priorités identifiées figurent la gestion de la dette, la transparence budgétaire et le renforcement de la gouvernance économique — des axes déjà mis en avant lors de la dernière mission, conduite du 22 octobre au 6 novembre 2025.
Malgré les tensions actuelles, le FMI souligne des « progrès significatifs » réalisés par Dakar dans ses efforts de restauration de la confiance financière. Toutefois, l’institution prévient que la route vers un nouveau programme d’appui reste « exigeante mais indispensable », dans un contexte où l’accès aux marchés internationaux devient de plus en plus coûteux pour les économies vulnérables.
Portrait : une économiste chevronnée au parcours international
De nationalité espagnole, Mercedes Véra Martin est titulaire d’un doctorat en économie de la London School of Economics and Political Science (LSE). Avant son Ph.D., elle avait suivi un double cursus en droit et économie (« Law and Economics ») à l’Université Pompeu Fabra, en Espagne.
Au sein du FMI, elle a dirigé plusieurs missions, notamment pour la Mauritanie, l’Équateur et la République démocratique du Congo, et travaillé comme économiste « desk » sur des pays tels que le Pérou. Son parcours académique inclut également des publications sur la spécialisation industrielle en Europe ou encore les effets des instruments macro-prudentiels en Amérique latine.
Son arrivée à Dakar début 2026 pourrait ainsi marquer une nouvelle phase dans la relation entre le Sénégal et le FMI, à un moment où les choix économiques et politiques du pays déterminent fortement sa trajectoire financière à moyen terme.
El Faye

