Dans une conférence de presse au siège de Pastef, hier, Ngagne Demba Touré a livré une réplique cinglante à l’ancien ministre de l’Énergie, Thierno Alassane Sall, l’accusant d’avoir « fait perdre des milliards » au Sénégal par une gestion opaque du secteur pétrolier et de l’électricité. Le jeune leader politique lui reproche notamment d’avoir laissé prospérer, sous sa tutelle, des scandales dans les hydrocarbures et l’électrification rurale, sans jamais endosser la responsabilité de ces dysfonctionnements.
Dés l’entame de son allocution, Ngagne Demba Touré s’est attardé sur le contrat PetroTim, signé sous la houlette de Thierno Alassane Sall. Selon lui, ce dossier a été conduit dans la précipitation. L’État sénégalais n’aurait pas attendu le rapport de l’Inspection générale d’État avant de valider l’octroi de deux blocs pétroliers à PetroTim, qui les aura ensuite cédés à Timis Corporation. Dans la répartition initiale, Timis détenait 30 %, Kosmos Energy 60 % et Petrosen 10 %. « Par la suite, BP est entré dans le capital en reprenant 60 % des parts », a rappelé Touré.
Il dénonce surtout la nonconformité à l’article 56 du Code pétrolier : « Cette cession indirecte devait être validée par le ministre », insistetil. En l’absence de cette validation, l’opération a, selon lui, privé l’État sénégalais d’un manque à gagner estimé à plusieurs milliards de francs CFA sur la période allant jusqu’à 2045.
Débat sur le prix du carburant
Interpellé sur les récentes déclarations de Thierno Alassane Sall affirmant que la production nationale de pétrole devrait mécaniquement réduire le coût à la pompe, Touré a dénoncé une « information erronée ». « Nous achetons notre pétrole au prix du marché international, comme la France ou les ÉtatsUnis ; produire chez nous n’implique pas une baisse automatique des tarifs », atil expliqué. Il rappelle que la chaîne logistique, la fiscalité et les marges de raffinage jouent un rôle au moins aussi déterminant sur le prix final payé par le consommateur sénégalais.
Le scandale de l’électrification rurale de 2015
Jean Michel Sène, vicecoordonnateur de la Jeunesse Patriotique Sénégalaise (JPS) et directeur général de l’Agence Sénégalaise d’Électrification Rurale (ASER), a de son côté reproché à Thierno Alassane Sall un « scandale financier majeur » de 60 milliards FCFA datant de 2015. Selon Sène, un contrat signé en juin 2015 visait l’électrification de 1 144 villages, mais les paiements – 12 milliards le 30 décembre 2015, puis 27 milliards en trois tranches ont été ordonnés « dans l’urgence, sans couverture budgétaire ». Sène accuse le forte influence de Farba Ngom, proche de l’ancien président Macky Sall, d’avoir détourné la procédure : pas d’appel d’offres régulier, soupçons de surfacturation et d’avances injustifiées. « Fin 2025, seuls 368 villages ont été électrifiés pour un coût engagé de 45 milliards. Où est passé l’argent ? », a-til interpellé.
Appel à la transparence et au débat d’idées
Pour Ngagne Demba Touré et Jean Michel Sène, Thierno Alassane Sall adopte une posture de « donneur de leçons » tout en refusant de rendre des comptes sur ces dossiers structurants pour l’avenir énergétique du pays. Touré l’invite à « sortir de la dénonciation facile » et à « assumer son bilan » : « Plutôt que de chercher des boucs émissaires ou de créer des diversions, il faut débattre des idées, confronter les chiffres et expliquer les choix stratégiques. »
Jean Michel Sène, quant à lui, renouvelle son appel à un « débat franc et public » pour éclaircir l’usage des fonds publics et restaurer la confiance des Sénégalais dans la gestion de l’énergie.
Alors que la question énergétique demeure cruciale pour le développement national, ces accusations mettent en lumière la nécessité d’une gouvernance transparente et responsable. Le pays, engagé dans la perspective d’une souveraineté pétrolière et d’un accès universel à l’électricité, attend désormais des réponses claires et des « comptes rendus » précis de la part de ceux qui ont longtemps tenu les rênes du secteur.
El FAYE
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