Le message de Sonko aux Sénégalais et à ses partisans de Pastef et de la mouvance présidentielle en particulier, invitant à un dépassement nous renvoie à deux faits qui ont marqué l’histoire de l’humanité. Le premier, celui qui inspire le monde musulman dans son ensemble, est l’exemple du Prophète Mohamed (psl) qui, constatant sa supériorité sur ses adversaires, invita ses partisans à pardonner et à accueillir les repentis. Ce fait historique remet en question ce qui était jusque-là considéré comme la justice des vainqueurs qui était d’éliminer les vaincus. Cet acte qui marque l’histoire d’une humanité jusqu’alors fondée sur la loi du plus fort et le règne écrasant d’une majorité exterminatrice, a sans doute inspiré un autre fait aussi illustratif qui a marqué notre histoire récente. Il s’agit de la fin de la monstrueuse politique d’apatheid qui, malgré son cortège de morts et de blessés parmi les noirs, n’empêcha pas Nelson Mandela d’inviter au pardon et à la réconciliation.
Pour celui qui aura passé 27 ans dans les geôles de l’apartheid et mis entre parenthèses sa carrière d’avocat, une telle plaidoirie a valeur de symbole. Il faut accepter une vérité historique qui relève de faits constatés, mais il faut ensuite admettre une autre vérité qui veut que vainqueurs et vaincus doivent continuer à vivre ensemble et travailler à une réconciliation. Accepter la vérité, pardonner sans oublier, tels sont les valeurs d’humanisme, de dépassement et de grandeur qui doivent fonder notre destin commun. Certes, les croyances, les idées et les convictions seront toujours là aussi différentes que le sont les êtres et les choses. Le Tout Puissant créateur du monde l’a voulu ainsi pour inspirer les hommes dans une pluralité de langues. Ne devons-nous pas nous en inspirer pour bâtir notre nation dans un commun vouloir de vie commune?.Certes, il est difficile de pardonner des écarts de langages et de comportements qui, dans un passé récent, ont engendré des traumatismes encore difficiles à effacer. Certes les stigmates de la haine, de la démesure verbale et de la déshumanisation de l’espace public, sont encore présents au point qu’il est difficile pour certains, notamment ceux qui les ont vécu dans leur chair et dans leur âme de pardonner. Mais, il arrive des moments où chacun doit faire son examen de conscience et son autocritique pour savoir le tord fait à ses concitoyens et l’urgence de ne plus répéter les mêmes erreurs, quels que soient les intérêts immédiats et les opportunités du moment. En tout, il faut savoir raison gardée tant dans le discours que dans les actes qu’on pose.
Ces faits peuvent toujours vous être opposés comme un moment de la reddition des comptes dont le timing est d’abord imposé par les hommes avant celui fatidique de Dieu, seul dépositaire de notre agenda. Ceux qui ont eu à commettre des actes délictueux doivent donc comprendre que c’est à eux de connaître leur place sur l’échiquier politico-administratif en sachant véritablement qu’on ne peut pas être après avoir été. Les citoyens qui passent aux urnes sont toujours là pour sanctionner positivement ou négativement. Éliminer, c’est aussi choisir le meilleur du moment, celui en qui on a confiance. C’est écarter celui dont les faits et gestes n’inspirent plus la confiance de ses mandants. Il doit donc être capable de ne pas essayer de passer par la fenêtre après avoir été chassé par la porte.
Mamadou KASSÉ