Malgré des divergences:  Diomaye fait de Sonko un Premier ministre super fort

Malgré des divergences:  Diomaye fait de Sonko un Premier ministre super fort

Au moment où le Sénégal s’engage dans une phase institutionnelle cruciale, l’articulation entre le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko continue d’alimenter analyses et spéculations. Leur relation, souvent décrite comme marquée par des divergences de style, des tempéraments contrastés ou des nuances idéologiques, n’a pourtant pas empêché une évolution majeure de l’exécutif. En effet, en réorganisant profondément la Primature à travers le Décret n°2025-1929 du 27 novembre 2025, le chef de l’État donne à son Premier ministre des leviers de pouvoir inédits faisant de lui l’un des plus influents de l’histoire institutionnelle récente du Sénégal.

Cette réforme ne se limite pas à un simple ajustement administratif. Elle consacre un véritable renversement de l’équilibre exécutif. Là où certains imaginaient un Premier ministre cantonné à un rôle protocolaire, Diomaye a sciemment choisi de doter Sonko d’outils structurels et stratégiques qui en font le centre opérationnel de l’action gouvernementale. Malgré les discours sur leurs différences, Sonko devient le cœur du dispositif étatique, non comme un figurant politique, mais comme le véritable conducteur de la mécanique gouvernementale.

Une Primature transformée en centre de commandes du Gouvernement

La Primature sénégalaise souffrait depuis longtemps d’un éclatement fonctionnel, de doublons dans ses services et d’une coordination souvent défaillante. La nouvelle architecture change radicalement la donne. Elle installe une Primature recentralisée, structurée autour de pôles clairement définis, capable d’assurer une planification, un suivi et une exécution efficaces. Elle ne se contente plus de coordonner mais elle commande.

Ce changement de philosophie administrative fait du Premier ministre un acteur déterminant dans la conduite de l’action publique. Sonko n’est plus le simple intermédiaire entre les départements ministériels et la Présidence ; il devient le véritable chef d’orchestre, chargé d’assurer la fluidité du travail gouvernemental, d’anticiper les blocages et de garantir la cohérence des politiques publiques.

La réforme renforce également les fonctions du cabinet du Premier ministre. L’arrivée d’un Directeur de Cabinet adjoint vient densifier la capacité de pilotage et accélérer le traitement des dossiers stratégiques. L’institution d’un Secrétaire d’État rattaché directement à la Primature, chargé des relations avec les institutions et porte-parole du gouvernement, clarifie un rôle jusque-là morcelé. Cette reconcentration des responsabilités renforce directement l’autorité du Premier ministre sur la parole publique et sur la circulation institutionnelle de l’information. Ces innovations traduisent une volonté de donner à la Primature les moyens d’un fonctionnement professionnel, discipliné et pleinement opérationnel.

Trois super-structures pour un Premier ministre aux pouvoirs élargis

La réforme introduit également trois structures internes qui relèvent d’une véritable révolution administrative. Elles confèrent aux services du Premier ministre des compétences renforcées en matière de contrôle, de pilotage stratégique et de préparation décisionnelle.

La première grande innovation est la création de l’Inspection des Services, structure inédite assimilable à une mini-Cour des comptes installée au cœur même de la Primature. Sa mission est d’assurer un contrôle interne rigoureux. Elle est chargée d’effectuer des vérifications administratives et financières, de mener des audits et des enquêtes, de superviser les passations de services et surtout de vérifier la conformité de l’exécution des directives du Premier ministre. Cette inspection permet d’éviter les zones d’ombre et d’identifier rapidement les dysfonctionnements, renforçant ainsi la transparence dans la gestion publique. Par sa nature, elle donne au Premier ministre une vue totale et un contrôle permanent sur le fonctionnement interne des structures qui lui sont rattachées.

La deuxième innovation majeure est la Cellule d’Orientation et de Suivi des Réformes. Son rôle est de transformer la parole politique en actions concrètes. Elle est chargée de l’impulsion des réformes, de la coordination des actions entre ministères, de l’accompagnement dans la mise en œuvre et de l’évaluation des résultats. Le Sénégal souffrait depuis des décennies d’une accumulation de projets annoncés mais jamais exécutés. Cette cellule met fin à cette inertie. Elle devient le moteur stratégique de la transformation publique et permet au Premier ministre d’être le garant de la continuité et de la cohérence des réformes.

La troisième structure, la Cellule de Préparation du Conseil des ministres, marque une professionnalisation totale du processus décisionnel. Elle se consacre exclusivement à la préparation des dossiers soumis au Conseil des ministres. Elle vérifie les textes, harmonise les documents ministériels, s’assure de la solidité juridique des projets et suit les décisions après leur adoption. C’est une innovation organisationnelle majeure, qui réduit l’improvisation, renforce la rigueur technique des décisions et donne à la Primature un rôle déterminant avant, pendant et après le Conseil des ministres.

Ces trois structures, pensées comme des super-outils opérationnels, font évoluer la Primature vers une institution capable de planifier, contrôler, anticiper et évaluer. Le Premier ministre gagne ainsi une capacité d’action élargie et structurée, difficilement contestable.

Un Secrétariat général du Gouvernement surpuissant au service d’un Premier ministre central

Le renforcement du Secrétariat général du Gouvernement est l’autre pilier de cette refondation. Longtemps considéré comme une simple chambre de passage des textes réglementaires, il devient désormais un moteur juridique et administratif incontournable. Il assure la planification de l’agenda législatif, vérifie la conformité juridique de tous les projets de lois, décrets et arrêtés, et entretient la relation technique continue avec l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel et la Cour suprême. Le SGG joue également un rôle central dans la consolidation des arbitrages réglementaires, ce qui place le Premier ministre au cœur de la production normative du gouvernement. Il se retrouve ainsi aux commandes de la fabrique juridique de l’État, une position qui confère une influence considérable sur la dynamique institutionnelle.

Cette concentration de pouvoirs techniques et réglementaires est d’autant plus remarquable qu’elle intervient dans un contexte où certains continuent de souligner des divergences apparentes entre Diomaye et Sonko. Pourtant, les faits démontrent une autre réalité. Le Président a sciemment choisi de faire de son Premier ministre un acteur incontournable, doté de la structure, des ressources humaines, du contrôle interne et de l’autorité nécessaires pour mettre en œuvre l’action publique. Cette configuration installe une forme de bicéphalisme assumé où le Président fixe l’orientation générale tandis que Sonko pilote la machine gouvernementale au quotidien. La réforme s’inscrit ainsi dans une logique de complémentarité stratégique. Diomaye conserve la hauteur institutionnelle et le rôle d’arbitre suprême, tandis que Sonko devient l’ingénieur de l’action publique, responsable de la transformation concrète de l’État. Le renforcement de la Primature traduit un choix politique assumé : celui d’un exécutif efficace, discipliné, structuré autour de la performance et concentré sur la production de résultats.

Le Décret n°2025-1929 ne redessine pas simplement les contours administratifs de la Primature : il bouleverse l’équilibre du pouvoir exécutif. Cette réorganisation renforce profondément le Premier ministre, qui dispose désormais d’une Primature centralisée, d’outils de contrôle interne puissants, de structures de pilotage des réformes et d’un Secrétariat général du Gouvernement transformé en moteur juridique.

En donnant à Ousmane Sonko les moyens d’être un Premier ministre fort, Bassirou Diomaye Faye fait le choix d’un gouvernement plus efficace, mieux coordonné et plus cohérent. Malgré les divergences souvent évoquées entre les deux hommes, une réalité s’impose désormais. Ousmane Sonko devient le Premier ministre le plus institutionnellement armé de l’histoire récente du Sénégal, placé au cœur de la décision publique et chargé de transformer l’État en profondeur.

El Faye

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