Les Vingt Minutes de Vérité : Quand le Premier ministre transforme l’Assemblée en terrain de football

Les Vingt Minutes de Vérité : Quand le Premier ministre transforme l’Assemblée en terrain de football

Il y a des discours qu’on écoute par habitude, d’autres qu’on subit par lassitude, et puis il y a les vingt dernières minutes du Premier ministre à l’Assemblée nationale : vingt minutes où l’hémicycle s’est transformé en terrain de jeu, et lui, calme, assuré, avançait avec la balle comme si le pays entier s’était réuni en tribunes pour mesurer la précision de chacun de ses gestes. À l’aise, terriblement à l’aise, il répondait avec une maîtrise tranquille, déroulait les détails avec l’élégance d’un professeur sûr de son cours, et parfois même, il glissait un crochet ou deux à certains députés — dont, évidemment, un qui a senti passer la rafale : le député Pape Djibril Fall. Il y a des réponses qui claquent plus fort qu’un micro, et ce jour, il en a distribué plus d’une.

Il faut dire que Sonko appartient à cette espèce rarissime d’hommes dont la parole ne sert pas à tourner autour du pot, mais à renverser le pot avec la table. Chez lui, pas de détour, pas d’ambiguïté, pas de phrases qui se grattent la tête : chaque mot tombe comme un marteau parfaitement aiguisé. Quand il parle, on a l’impression qu’il a passé chaque syllabe au scanner avant de la lâcher, histoire qu’elle arrive nette, propre, sans bavure. Il avance avec cette conviction tranquille, presque insolente, non pas pour séduire les foules ni calmer les nerfs des anxieux, mais pour dire simplement ce qu’il considère être la vérité — même si cette vérité n’arrange personne.

Ce n’était donc pas une simple séance de questions d’actualité ; c’était une clarification nationale en direct. Quand il a parlé de l’après 8 novembre comme d’un « dieufour général », on aurait presque senti l’odeur du linge propre : les rumeurs essorées, les malentendus rincés, les non-dits suspendus au soleil du « diam rek ». « Il fallait poser des actes », a-t-il rappelé, et il l’a dit comme quelqu’un qui les a effectivement posés, sans trembler. « Maintenant, tout est clair. »

Puis, avec une facilité presque déconcertante, il a balayé les fantasmes de brouille avec le président Bassirou Diomaye Faye. Pas de querelle, pas de rupture, pas d’ombre sur le tableau, seulement ce que des milliers de commentateurs redoutent le plus : la paix. Ils travaillent ensemble, mangent ensemble, passent leurs journées ensemble. Les spectateurs du conflit imaginaire ont dû ravaler leur scénario.

Le moment fort, pourtant, c’est lorsqu’il a dit, avec un calme presque indestructible : « Je ne travaille pas pour Diomaye, je travaille pour le Sénégal. » Cette phrase a traversé l’hémicycle comme une décharge propre, un rappel de priorité, un recentrage brutal mais noble. Oui, son travail s’inscrit dans la responsabilité du Président, mais il le fait pour le pays, pour les citoyens, pour l’histoire à écrire. On aurait dit une porte qui se ferme doucement et définitivement sur les spéculations inutiles.

Et comme s’il fallait remettre chacun à sa place, il a adressé à son propre camp une correction élégante mais ferme : retour au « djikko », à la discipline, au respect. Moins de « Sonko matin, midi, soir », plus d’agriculture, de pêche, d’énergie, d’économie. Une manière de rappeler que le pays ne se construit pas dans le bavardage permanent, mais dans la réflexion concrète.

Mais c’est sa conclusion qui a fait vibrer la salle. Il a dit ne rien vouloir en politique. Rien. Pas de chaise, pas de trône, pas de satisfaction personnelle. Sa seule richesse, c’est sa conviction, constante, droite, intacte. Ses paroles d’hier sont celles d’aujourd’hui. Il ne renie rien, ne ravale rien, ne se laisse détourner ni par les lobbys ni par les pressions. On reconnaît là les hommes qui marchent sans se tordre, qui avancent sans se vendre.

Les vingt minutes du Premier ministre n’étaient pas un discours : c’était une démonstration. Une leçon. Une performance. La preuve qu’on peut contrôler le ballon, dribbler les rumeurs, marquer sans célébration excessive, juste par la vérité mise sur la table. Le Sénégal voulait du bruit ; il a offert de la clarté. Le pays voulait un spectacle ; il a donné de la substance. Et dans ce monde où la fumée remplace trop souvent la lumière, cette netteté valait mieux que tous les débats du lendemain.

Un moment rare. Un moment qui dépasse les mots. Un moment qui reste.

Malick BA

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