Talaatay Cadichon diotatina.
Une actualité décalée aujourd’hui. La Coordination des Acteurs de la Presse (CAP) rend publiques les conclusions des assises nationales des médias le mardi 1e juillet 2025. Le lendemain, je lis un compte-rendu des travaux sur les plateformes de mon ancien patron au SYNPICS, ancien chargé de communication senior à la Banque Mondial, éternel esclave Ndiayène à moi, même s’il est le principal inspirateur des « mémoires d’un « âne » du service public de l’audiovisuel sénégalais (ce qu’il ignore certainement), le doyen (titre qu’il ne veut accepter) Mademba Ndiaye Ass. Pour ce coup, il fait un retour dans le passé, précisément dans la salle de rédaction sûrement pour montrer aux jeunes reporters, mais aussi aux moins jeunes, ce qu’est un véritable compte-rendu. Concis et précis. Merci Ass. En guise de remerciement anticipé, il a droit à un yassa poulet, dont la couleur jaune du riz provient sûrement d’une recette particulière du traîteur. Il est bon, soit dit en passant, j’y ai goûté aussi.
Il faut noter que c’est un auditoire constitué des différentes générations de professionnels des médias, des doyens, des jeunes et des moins jeunes, qui a dévoré la présentation de Mactar Silla, Président du comité scientifique, avant d’écouter Cheikh Thiam, ancien DG du quotidien national Le Soleil, rapporteur des assises, entrer dans les détails des conclusions, recommandations et plan d’action qui en sont ressortis. De Ibrahima Bakhoum (les autres doyens l’appellent affectueusement Bill), journaliste, prétendu jeune reporter, à Migui Marame Ndiaye, déjà ancien jeune reporter, en passant par mon ancienne patronne du SYNPICS, grande Hadja, fraîchement revenue du pèlerinage à la Mecque, Diatou Cissé, sa sœur siamoise Ndèye Ndeye Rokhaya Mbodj, Boury Sock , Saloum Kaba et le non moins important Moustapha Cisse, mon ancien poulain devenu le tout puissant SG du SYNPICS, toutes les composantes du monde de la presse sont présentes dans la salle de la Fondation Frederich Ebert. Ce lieu est le refuge trouvé juste après le désistement de la GIZ, partenaire du Ministère de la communication des télécommunications et du numérique, la tutelle, que la date, retenue d’un commun accord avec la CAP, n’arrange plus tout d’un coup.
Toute cette scène me renvoie dans un passé assez lointain, plus précisément à une journée de l’année 2005, lorsque le Président de la République Me Abdoulaye Wade, répondant à une doléance du SYNPICS dirigé par feu Alpha Abdallah Sall, fait une déclaration publique largement relayée par les médias : « je suis d’accord avec la dépénalisation des délits de presse, faites-moi des propositions, j’organise un séminaire de haut niveau avec les magistrats… » Le message n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Les professionnels des médias n’attendaient que cela.
Pour parler de Alpha, je cite juste un extrait de l’hommage que lui a rendu le journaliste, ancien conseiller en communication du ministre de la communication, Mamadou Kasse, au décès de notre cher SG le 22 novembre 2009 : « C’est cet homme de foi et de conviction, ce défenseur imperturbable des intérêts matériels et moraux des journalistes, cet apôtre du dialogue et de la concertation, du compromis dynamique et du consensus positif qui conclut aujourd’hui un compagnonnage que nous aurions voulu poursuivre encore très longtemps ». Je n’y ajoute rien. Merci Kassé.
Alpha est SG du SYNPICS et je suis son secrétaire national administratif. Un document est déjà élaboré, issu de concertation avec les acteurs des médias, des acteurs de la société civile, des avocats, des magistrats, des professeurs d’université, des associations de consommateurs, des syndicats, j’en oublie certainement. Il s’agit de parler de la dépénalisation des délits de presse, avec des propositions concrètes de modification de la loi 96/04 qui nous régit, de certaines dispositions du code pénal et du code de procédure pénale. Une des actrices de ce travail fastidieux se trouve être la même à qui un vibrant hommage a été rendu lors de la restitution des assises nationales, Mme Fatou Bondji Thiaw. Elle a été mobilisée tant pour les séminaires et ateliers que pour les travaux des différents comités de suivi. Le courrier, les documents, tout est envoyé en mode fast track au Chef de l’État. Chapeau Fatou! Ces propositions concrètes ont malheureusement toujours été noyées dans des discussions sémantiques autour du terme « dépénalisation ».
Le séminaire de haut niveau se tient les mardi 27 et mercredi 28 décembre 2005 au Centre de Formation Judiciaire (CFJ) sur le thème : « La dépénalisation des délits de presse et le droit de la presse au Sénégal ». La cérémonie d’ouverture a été présidée par le Ministre de l’information, Porte Parole du gouvernement, M. Bacar Dia, en présence de Me Mame Bassine Niang, Ministre, Haut Commissaire aux Droits de l’Homme, M. Pape Oumar Sakho, Directeur de Cabinet du Ministre d’Etat, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, M. Meïssa Diouf, Procureur Général près la Cour de Cassation. La rencontre a enregistré la participation de journalistes, de magistrats, d’universitaires, de représentants du Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales, de la gendarmerie nationale et de la société civile.
Parmi les magistrats se trouve un homme de 50 ans, appelé Demba Kandji. Il est juge. Tu te demandes sûrement pourquoi je m’intéresse à lui. Figure-toi que rien que son nom prononcé (à cette époque) fait trembler les criminels les plus dangereux. La fameuse affaire Alex et Ino, qui a défrayé la chronique judiciaire au Sénégal vers l’année 2000, a été jugée par le juge Demba Kandji, alors président de la Chambre criminelle du Tribunal régional de Dakar. L’affaire concernait deux jeunes hommes, Alex et Ino, accusés d’avoir assassiné leur ami Ibou Sow, un étudiant sénégalais. Le crime avait été qualifié de barbare et particulièrement odieux par la presse. Le juge Demba Kandji, réputé pour sa rigueur et sa sérénité, présidait la chambre criminelle. Alex et Ino ont été condamnés à mort,
Et voilà que je suis assis là, à côté de ce monsieur. Et je lui trouve un air tellement innocent, avec une ébauche de sourire en coin, sympathique, affable. Et ton serviteur de lui dire tout de go : « alors c’est vous le redoutable juge Demba Kandji ? Yow mii?? ». C’est surtout plus tard, quand SG Diatou m’a envoyé représenter le SYNPICS dans une réunion de la commission de réforme du code pénal et du code de procédure pénale, que j’ai constaté que messieurs les juges sont des gens normaux comme toi et moi (moi?). Ils vivent comme tout le monde, rigolent, pleurent et font leur boulot juste selon leur intime conviction. Mes respects, mesdames et messieurs les juges !
Lors de la cérémonie protocolaire, plusieurs communications se sont succédées. Le Directeur du CFJ, si je ne me trompe M. Mademba Guèye, ouvre, en rappelant le contexte de la déclaration du Chef de l’État. S’en suit la présentation de feu Mbaye Sidy Mbaye, porte-parole du CRED, un journaliste radio, formateur, et défenseur de l’éthique dans les médias sénégalais, actif jusqu’à son décès en avril 2024. Mbaye Sidy Mbaye est d’une grande élégance intellectuelle, morale et vestimentaire. Que dire de sa diction ? Un régal pour les oreilles. Il a bien sûr magnifié cette attitude du Président Wade, semblant répondre positivement à une revendication des professionnels des médias.
Feu Alpha Sall, lui, revient sur l’atelier organisé par le SYNPICS, le CRED et les les éditeurs de presse, avec l’appui du Breda (décidément si Jeanne Seck n’existait pas, nous l’aurions créée). C’est à l’issue de ces travaux que des propositions de reforme de certaines dispositions du Code Pénal et du Code de procédure pénale, ainsi que de la loi 96-04 du 22 février 1996 relative aux organes de communication sociale et aux professions de journalistes et de techniciens ont été formulées par le SYNPICS. Les actes de cet atelier ont fait l’objet d’une transmission au Ministère de la Justice qui a souhaité approfondir la réflexion sur instructions du chef de l’ Etat.
Le professeur Pape Oumar Sakho a ouvert officiellement l’atelier, en proposant un renforcement des prérogatives du CRED, accompagné de l’adoption de mesures fortes de régulations alternatives. Il a réaffirmé l’engagement du Ministère de la justice à assurer un dialogue avec les partenaires pour une presse digne et responsable.
Des discussions intenses ont lieu après la cérémonie protocolaire, enregistrant les interventions de Chimère Malick Diouf, Directeur des affaires criminelles et des grâces du Ministère de la Justice, feu Pr Mody Gadiaga, Maître Assistant à la faculté des sciences juridiques et politiques de l’UCAD. Les travaux en atelier ont permis d’élaborer des recommandations, parmi lesquelles :
– Privilégier la citation directe comme mode de saisine du juge correctionnel en matière de délits de presse ;
– Extraire l’article 255 du Code pénal du champ de compétence de l’article 139 du Code de procédure pénale rendant ainsi au juge d’instruction sa liberté d’appréciation sur l’opportunité d’un mandat de dépôt, dans les affaires nécessitant l’ouverture d’une information judiciaire
– Enlever au juge pénal la possibilité de décerner un mandat de dépôt à l’audience dans le jugement des délits de presse ; Exclure la possibilité de l’application de la contrainte par corps ;
– Contenir les montants à allouer à titre de dommages intérêts dans des proportions raisonnables.
– modifier la loi 96-04 et d’y prévoir des dispositions pénales relatives à l’exercice de la profession de journalistes ;
– inclure les infractions relevées dans le Code pénal comme pouvant être commises par voie de presse dans la loi sur la presse. Il s’agit essentiellement de la diffamation, de la diffusion de fausses nouvelles etc…
Le rapporteur de ces journées de travail s’appelle Cheikh Mouhamadou Bamba Niang, aujourd’hui expert des aspects juridiques des questions des médias, l’ami des professionnels de la presse.
Je retiens surtout la proposition du deuxième alinéa. Que dit l’article 139 du code de procédure pénale? « Sur les réquisitions dûment motivées du ministère public, le juge d’instruction est tenu de décerner mandat de dépôt contre toute personne inculpée de l’un des crimes ou délits prévus par les articles 56 à 100 (crimes et délits contre la sûreté de l’État) et 255 (délits de presse) du code pénal. La demande de mise en liberté provisoire pour l’un des crimes ou délits spécifiés à l’alinéa précédent sera déclarée irrecevable si le ministère public s’y oppose par réquisition dûment motivée ».
Ma question : qu’est-ce que les délits de presse viennent faire à côté des délits de coup d’état, espionnage, haute trahison?
Finalement, je retiens que le problème de la presse c’est bien l’article 139 du CPP et non 80 ou 254 du CP, qui font le buzz chez les hommes politiques.
Peut-être que je n’ai rien compris aussi.
A mardi prochain in cha Allah.
Moustapha Diop