INTERVIEW : «Certains discours cherchent à minimiser l’importance desguides religieux en les accusant d’ingérence ou de partialité» ( Mounirou Sarr)

INTERVIEW : «Certains discours cherchent à minimiser l’importance desguides religieux en les accusant d’ingérence ou de partialité» ( Mounirou Sarr)

A l’occasion de la grande nuit de rassemblement du 31 décembre 2024 dédiée à CheikhAhmadou Bamba, Mounirou Sarr, Secrétairegénéral du Diwan Bamba Fépp et conseillermunicipal du Parti de la vérité pour le développement (Pvd) au niveau de la Communede Grand Yoff, revient sur les positionspolitiques de la formation avec le Pastefd’Ousmane Sonko. A travers cette interviewexclusive accordée au quotidien « Le Témoin », le porte-parole du Pvd est loin de sepositionner comme une opposition radicaledèslors qu’il partage la même vision politiqueavec le Pastef , notamment autour des principes du Jub, Jubbal, Jubbànti. Mounirou Sarrévoque également le rôle central de Touba,fondé par Cheikh Ahmadou Bamba, dans le développement du Sénégal et la place des chefsreligieux dans la sphère politique du pays.

Le Témoin : Quelle est la quintessence dugrand rassemblement de Cheikh ModouKara en ce 31 décembre ?

Mounirou Sarr : Comme chaque année, le 31décembre est un rituel important pour nouspuisqu’il symbolise la fin de l’année. Pour nosfrères chrétiens, le 24 ou le 25 décembremarque la naissance du Prophète Issa, et le 31décembre représente son baptême. Nous, entant que musulmans, croyons au Prophète Issa,et ce jour peut aussi être vu comme un momentde réflexion sur le passé et l’avenir. C’est pourcela que notre guide Cheikh Ahmadou KaraMbackéNoreyni a toujours dit que le 31 décembre devait être célébré autrement c’est-à-dire loinde la culture occidentale. C’est pour cela que depuis 1998, Cheikh Ahmadou Kara Mbacké réunitla jeunesse sénégalaise pour marquer la fin del’année avec des prestations, des discours, et desrécitations de Khassaid.Aujourd’hui 31 décembre2024 marque la 24e édition.Je pense qu’il estimportant d’intégrer comme thème « Jubbal « etles valeurs fondamentales qu’il représente.

Pourquoi les marabouts s’autoproclament« missionnaires » alors que seuls les Prophètes étaient les missionnaires de Dieu…N’est-ce pas ?

Ceux qui pensent ainsi ne connaissent pas la véritable mission d’un marabout voire d’un chef religieux. Pourmieux faciliterleur compréhension,permettez-moi de remonter à l’époque des Prophètes. En effet, Cheikh Ahmadou Bamba, dansson ouvrage Massalikul Jinaan, affirme que lessaints sont les héritiers des Prophètes. Lorsqu’onpose la question surla mission d’un marabout ou plutôt d’un guide religieux, carle terme «marabout » peut parfois être considéré comme pé-joratif – il est essentiel de noter que cetteappellation a été imposée parles colons. En réalité, ils’agit de guidesreligieux,si l’on veut utiliserun terme plus approprié en français. Leur mission s’inscrit dansla continuité de celle des Prophètes. Dieu a déclaré dansle Coran qu’après leProphète Mohammed (Psl), il n’y aurait plus deProphètes, mais dessaints continueraient à guider les hommes sur terre. D’ailleurs un hadithdu Prophète a évoqué la venue de rénovateursde la religion islamique. Ainsi, les guidesreligieuxont pour vocation d’appeler les croyants à fairele bien, de leur rappeler les recommandationsdivines et, avant tout, d’honorer ce verset duCoran : «Je n’ai créé les hommes et les djinnsque pour qu’ils M’adorent.»Lors de la récente présidentielle 2024, certains foyers confrériques ont publiquementsoutenu le candidat de Bby Amadou Ba. Unsoutien caractérisé par des prières déjà…exaucées.

Que répondez-vous à ceux qui disent que l’influence confrérique ne fasseplus recette dans le paysage politique ?

D’abord, il est important de noter que lesprières ne se limitent pas à un candidat spécifique. Car tous les leaders politiques, y comprisceux de l’opposition,sollicitent des bénédictionsauprès des marabouts, même si cela reste parfois discret. Vous savez, le rôle des guides religieux ne se limite pas à un soutien partisan. Ilsagissent comme des régulateurs sociaux, desgardiens de la paix et des valeurs, desresponsables moraux dans un pays où les différentesconfréries coexistent en harmonie. Donc leurinfluence dépasse les considérations économiques ou personnelles. Malheureusement certainsdiscours cherchent à minimiser l’importance desguides religieux dans la société sénégalaise enles accusant d’ingérence ou de partialité. Ces critiques proviennent parfois de personnes ou degroupes ayant une méconnaissance de la richesse spirituelle et culturelle du Sénégal. Lapreuve par l’avènement de Macky Sall en 2012où les conseils des guides religieux ont joué unrôle clé dans la pacification de certaines situations tendues, comme les manifestations à laplace de l’Indépendance. En faisantsa premièresortie officielle à Touba, le président BassirouDiomaye Faye a reconnu le rôle que jouent lesguides religieux dans ce pays. Après Touba, leprésident de la République a visité d’autresfoyers religieux. Cela illustre que,malgré les tentatives de séparation, la coopération entre l’Étatet les guides religieux demeure une nécessité.Un état de fait qui porte à croire qu’au Sénégal,les leaders religieux ne sont pas de simples acteurs spirituels. Donc ignorer cette réalité, ouchercher à dissocier totalement religion et politique, revient à nier l’histoire et la culture dupays. Le véritable défi est donc d’intégrer harmonieusement la vision des guides religieuxdans la gestion de l’État, tout en préservant lesvaleurs fondamentales qui fontla force du Sénégal. Cela passe par un dialogue respectueuxentre les différents acteurs de la société pourbâtir un avenir prospère et équilibré.

Quel doit être la place des leaders religieux dansla sphère politique sénégalaise ?

La question de la place des leaders religieuxdans la sphère politique est cruciale, car elletouche à l’équilibre entre valeurs, foi et gestionde la cité. Le leadership repose fondamentalementsur des valeurs, qu’il s’agisse de leaders politiques, sociaux ou religieux. Or, au Sénégal, lareligion constitue une base incontournable deces valeurs. Sans religion, il n’y a pas de valeurs solides, et sans valeurs, il ne peut y avoir de leadership. Cela mène souvent à des dérives,comme la dictature. Il est donc impossible dedissocier la dimension religieuse de la vie publique et de la gestion de la cité,surtout dans unpays comme le nôtre, profondément marquépar son histoire coloniale. Contrairement à l’Occident, qui a écarté l’Église de la gestion de la citépour adopter un modèle laïque, le Sénégal achoisi une approche où les valeurs religieusesrestent au cœur de la société. Cela ne signifiepas un rejet du progrès matériel ou technologique, mais plutôt une volonté de concilier modernité et foi. Cette symbiose entre religion etleadership politique est essentielle pour unegestion saine de la cité.

On murmure tout bas que le Pvd de SerigneModou Kara multiplie les acrobaties pourrejoindre le Pastef. Qu’en pensez-vous ?

Ecoutez ! le Pvd n’a jamais été dans une opposition politique stricte ou radicale. Si vousrevoyez notre histoire, vous verrez qu’au momentde la création du Parti de la vérité pour le développement(Pvd), le guide-fondateur Cheikh Ahmadou Kara Mbacké Noryeni avait précisé qu’ilne voulait pass’alignersur une dynamique politicienne ou politique-politicienne. Il avait dit quele Pvd était un parti de contribution, un partiavec des valeurs positives. Nous sommes toujours dans cette dynamique et nous vivonstoujours cette vision. La preuve,malgré les quelquesdifficultés que nous avions avec AbdoulayeWade, le Pvd n’a jamais voulu s’opposer ouvertement. De même que sous l’ère Macky Sall.Jusqu’en 2015, si je ne me trompe pas, le Pvd etses militants étaientles plus grands défenseurs deMacky Sall, et cela, au nom de l’intérêt commun.Parce que le Pvd n’a jamais bénéficié de l’argentde l’État, nous n’avons jamais eu de poste politique, et pourtant, le parti existe et est réel.

Alors peut-on s’attendre à ceque le Pvd rejoigne le Pastef ?

Je pense que le Pastef nous a déjà rejoints. Jevous renvoie à l’année 2004 date de la créationdu parti où le guide a introduit des concepts inclusifs. Et chaque Sénégalais se retrouve dansces concepts. Le guide et créateur Cheikh Ahmadou KaraNoreyni avait dit que les cinq principesméthodologiques du parti étaient le Dëggël, leJubbal, le Léeral , le Yaatal et le Dëggëlé. Doncentendre le Pastef dire qu’ils veulent mettre leSénégal sur la voie du Jub,Jubbal,Jubbànti, c’està mon avis,rejoindre notre vision politique. Si ladéclaration d’ Ousmane Sonko est conforme àla démarche de Pastef, je pense que leur premiersoutien sera le Pvd de Serigne Modou Kara.

Propos recueillis par El Hadji Ibrahima FAYE

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  • BAY'KARA , 2 janvier 2025 @ 16h26

    DISCOUR DE VERITÉ ET DE NABIL!!!

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