Gagner la paix en Afrique de l’ouest : Le CHEDS appelle à une gouvernance souveraine des ressources et des frontières

Gagner la paix en Afrique de l’ouest : Le CHEDS appelle à une gouvernance souveraine des ressources et des frontières

Le Centre des Hautes Études de Défense et de Sécurité (CHEDS) a inauguré, hier  à Dakar, la troisième édition de son Colloque international autour d’un thème d’une brûlante actualité : « Gagner la paix en Afrique de l’Ouest : pour une gouvernance souveraine des ressources et des frontières ». L’événement, présidé par le Général Birame Diop, Ministre des Forces armées, a réuni un parterre impressionnant de diplomates, d’universitaires, d’officiers supérieurs et d’experts venus du Burkina Faso, du Mali, du Maroc, de la Mauritanie, du Niger, de la France et de la Suisse. Une rencontre à la fois stratégique et symbolique, dans un contexte régional marqué par les recompositions politiques, les défis sécuritaires persistants et les tensions autour de la souveraineté.

En ouvrant les travaux, hier, le Général de brigade Jean Dième, Directeur général du CHEDS, a rappelé que cette rencontre prolonge une réflexion entamée depuis trois ans sur la sécurité collective et la souveraineté en Afrique de l’Ouest. Après avoir exploré, en 2023, les enjeux d’une sécurité collective effective et, en 2024, les dimensions multiples de la souveraineté, le colloque de 2025 s’attache à décrypter les conditions d’une gouvernance souveraine des ressources et des frontières, présentées comme des leviers décisifs pour gagner la paix.

Penser la paix à travers la souveraineté

Selon le Général Dième, cette édition se tient à un moment charnière pour la région, confrontée à des déséquilibres profonds qui fragilisent la stabilité et le développement. La paix, a-t-il insisté, n’est pas un simple idéal mais un préalable concret à tout progrès économique et social. Elle doit être construite sur la bonne gouvernance, la solidarité régionale et l’inclusion des jeunesses africaines, qui représentent la majorité de la population et un formidable réservoir de compétences. Cependant, sans politiques d’emploi, d’éducation et d’innovation adaptées, cette jeunesse pourrait devenir une source d’instabilité.

Le Directeur général a ensuite présenté les grands axes du colloque, qui articulera ses travaux autour de thématiques variées : l’hydrodiplomatie, la gouvernance foncière, la souveraineté numérique, les mutations démographiques et les nouveaux défis sécuritaires. Autant de chantiers à la croisée de la science, de la diplomatie et de la stratégie, dans lesquels le CHEDS entend jouer un rôle de laboratoire d’idées et de formation au service des États africains.

L’ouverture a été également marquée par deux hommages empreints d’émotion. Le premier adressé au Professeur Abdoulaye Bathily, conférencier inaugural, salué pour sa sagesse et son expérience au service de la paix sur le continent. Le second rendu au musicien Omar Pène, symbole vivant de l’unité africaine, qui a rappelé dans un message vibrant que « Diam la paix, Diam la paix, Diam la paix » reste le fondement de toute prospérité.

La paix se gagne au quotidien

Prenant la parole au nom du Président de la République, le Ministre des Forces armées, le Général Birame Diop, a donné à la rencontre sa pleine dimension politique et stratégique. Il a replacé la thématique du colloque dans une perspective plus large : celle du triptyque Souveraineté-Paix-Sécurité, au cœur des politiques de défense et de coopération du Sénégal et de ses voisins.

Le Ministre a affirmé que la souveraineté sur les ressources naturelles et les frontières ne relève plus d’une simple logique de protection territoriale, mais constitue désormais une condition essentielle pour bâtir la paix. L’eau, la terre, l’énergie et même les flux migratoires et commerciaux peuvent être sources de tensions s’ils ne sont pas gouvernés avec clairvoyance et équité. Inversement, a-t-il souligné, ils peuvent devenir des leviers puissants de coopération et d’intégration régionale.

Le Général Diop a invité les États ouest-africains à changer de paradigme : à voir dans leurs frontières non plus des lignes de séparation, mais des ponts de solidarité, et dans leurs ressources non pas des objets de convoitise, mais des instruments de stabilité et de prospérité partagée. La paix, a-t-il martelé, ne se décrète pas, elle se gagne et se construit chaque jour à travers une gouvernance juste, inclusive et souveraine.

Cette vision s’inscrit dans la politique étrangère du Sénégal, résolument tournée vers la concertation et la médiation. À cet égard, le Ministre a salué le rôle central du Professeur Bathily, Envoyé spécial du Président de la République, actuellement chargé de faciliter le dialogue entre l’Alliance des États du Sahel (AES) et la CEDEAO. Cette mission, a-t-il dit, illustre l’engagement du Sénégal à bâtir des ponts là où d’autres érigent des murs et à rechercher la paix là où trop souvent s’installent la méfiance et la rupture.

Jeunesse, numérique et urbanisation : les nouveaux fronts de la souveraineté

Poursuivant son intervention, le Général Birame Diop a ouvert une réflexion sur ce qu’il a appelé « les deux révolutions jumelles » qui bouleversent la région : la révolution numérique et la révolution démographique. Avec une population majoritairement jeune – près de 60 % ayant moins de 25 ans – l’Afrique de l’Ouest dispose d’un potentiel considérable. Cependant, a-t-il averti, ce dynamisme peut se retourner contre elle si les politiques publiques ne parviennent pas à offrir à cette jeunesse les opportunités de formation, d’emploi et d’engagement civique nécessaires.

Le Ministre a rappelé que le Sénégal, sous l’impulsion du Président de la République, a engagé un New Deal technologique visant à renforcer la souveraineté numérique à travers la cybersécurité, l’intelligence artificielle et le cloud computing. Pour lui, la souveraineté numérique n’est pas seulement une question d’infrastructures techniques mais aussi un projet de société, fondé sur la confiance, la formation et la participation citoyenne. Il a exhorté les États à investir dans une « cyberculture inclusive » permettant à la jeunesse, aux femmes et aux populations vulnérables de prendre part à la transformation numérique et à la construction d’une sécurité collective durable.

Le Ministre a également évoqué un autre défi majeur : l’urbanisation accélérée. Près d’un habitant sur deux vit aujourd’hui en milieu urbain, un phénomène qui bouleverse les équilibres sociaux et territoriaux. Cette croissance rapide engendre des tensions sur le foncier, des inégalités dans l’accès aux services de base et des risques d’exclusion. Le Sénégal, a-t-il indiqué, a déjà engagé un vaste programme de réforme foncière pour restaurer la transparence et la justice dans la gestion des terres. Les conclusions du colloque sont appelées à nourrir cette réflexion, en faisant de l’urbanisation non pas un facteur de désordre mais un moteur d’intégration et de prospérité.

El FAYE 

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