Interpellé sur le phénomène, la société civile éducative ainsi que les parents d’élèves tirent la sonnette d’alarme. Cheikh Mbow, directeur exécutif de la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’école publique (Cosydep) et Thierno Ndao, au nom de l’Union nationale des associations de parents d’élèves et étudiants (Unapees), appellent à une réforme en profondeur du système éducatif sénégalais.
Malgré les dispositifs de sécurité déployés ces dernières années, les examens scolaires continuent de faire face à des scandales récurrents. Pour Cheikh Mbow, directeur exécutif de la Cosydep, la situation devient critique. « Cette année, le phénomène a été observé sur une grande échelle aussi bien au Bfem qu’au Bac », a-t-il déclaré. Il précise que ces pratiques prennent la forme de fuites d’épreuves, c’est-à-dire de sujets censés être confidentiels mais mis à la disposition de certains candidats à l’avance. Thierno Ndao, président de l’Unapees, partage le constat avec amertume. « Malgré tous les efforts consentis par l’État, nous assistons encore à des actes qui sapent la crédibilité de notre école», a-t-il déploré.
Le parent d’élève se dit « profondément choqué » pour les familles et les enfants affectés. Il reconnaît néanmoins les récents efforts entrepris par les nouvelles autorités, notamment l’organisation de conseils interministériels pour anticiper la tenue des examens. Pour les deux responsables, les élèves ne sont pas les seuls à blâmer. Cheikh Mbow estime que « les véritables responsables sont des agents qui ont un rôle précis dans la chaîne de conception, d’élaboration, d’impression, de distribution et de conservation des épreuves ». Il pointe du doigt la corruption, les failles logistiques, le manque de sécurisation numérique et une pression sociale excessive. Thierno Ndao abonde dans le même sens. « Ce sont les adultes qui sont à l’origine des fuites. Les enfants subissent des pressions sociales, familiales, voire des formes de chantage, notamment chez les filles », dit-il.
Il évoque également une part de responsabilité des parents. « Certains mettent une pression insoutenable sur leurs enfants. D’autres donnent de mauvais exemples aussi », affirme M. Ndao. Il dénonce aussi l’influence délétère d’une société qui valorise peu l’effort. « La société bombarde les enfants de contre-valeurs à travers les réseaux sociaux, les médias, les comportements », a-t-il indiqué, regrettant la perte du culte du travail et de l’éthique. Il rappelle avec force une vérité fondamentale : « L’enfant ne récite que les leçons apprises à la maison, dans la rue et à l’école». Cheikh Mbow estime que l’on ne peut pas résoudre le problème par des mesures techniques seulement. Une réforme pour combler le vide juridique « L’existence de la loi et sa connaissance ne suffisent pas à empêcher le délit », a-t-il affirmé.
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Pour lui, la tricherie pose un problème de notre rapport avec les valeurs. M. Mbow insiste sur la nécessité d’une adhésion individuelle aux normes éthiques pour qu’elles soient réellement respectées. A ce sujet, il recommande de mobiliser davantage les organisations communautaires pour une sensibilisation à l’éthique, mais aussi de renforcer la surveillance des réseaux sociaux, de sécuriser numériquement la chaîne de production des épreuves et de mettre en place des sanctions claires contre les auteurs de fuites. Face au vide juridique souvent décrié, Cheikh Mbow a plaidé pour un renforcement du code pénal. « Il est nécessaire que le code pénal soit renforcé par des dispositions plus claires et adaptées, surtout pour les auteurs de fuites », a-t-il soutenu.
S’agissant des élèves, il privilégie les sanctions administratives à la place de l’incarcération, estimant que leur statut d’apprenants doit être pris en compte. « Si la surveillance est renforcée dans les familles et en salle de classe, il est possible de limiter l’ampleur de la tricherie », a-t-il ajouté. Thierno Ndao, lui, appelle à un travail en profondeur sur les curricula. « Il faut revoir les contenus qui sont trop lourds. Et surtout, il faut qu’on enseigne à nos enfants leur propre histoire », a-t-il préconisé.
Il insiste également sur l’éducation à la citoyenneté qui dit-il, doit être « au cœur de la réforme». L’objectif pour lui est clair : « Former des Sénégalais conscients, patriotes, capables de se sacrifier pour leur pays ». Les deux acteurs s’accordent sur la nécessité d’une réforme systémique. « Il faut engager une réforme qui transforme les fondements du système éducatif afin qu’il réponde mieux aux besoins actuels et futurs des apprenants et de la société », recommande ces acteurs de l’éducation.
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