Réunis dans la capitale sénégalaise pour le Forum Dakar+10, les six pays sahéliens – Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Tchad – ont lancé un vibrant appel pour accélérer les investissements dans l’irrigation, pilier stratégique de leur souveraineté alimentaire.
Dix ans après la première Déclaration de Dakar sur l’irrigation, les États membres du CILSS (Comité permanent Inter-États de Lutte contre la Sécheresse au Sahel) ont dressé un bilan mitigé : si 285 000 hectares supplémentaires ont été aménagés, l’objectif initial d’un million d’hectares sous maîtrise de l’eau reste lointain. Une nouvelle déclaration a donc été adoptée à l’issue de ce forum de haut niveau, actant une volonté commune de transformation en profondeur.
Un changement de paradigme agricole
Face à la multiplication des crises mondiales – climatiques, géopolitiques, économiques – les États du Sahel affirment leur volonté de sortir de la dépendance alimentaire. « La souveraineté alimentaire est possible », a insisté Dr. Abdoulaye Mohamadou, Secrétaire exécutif du CILSS, évoquant les vastes ressources hydriques, foncières et énergétiques de la région ainsi que les progrès technologiques en matière d’irrigation.
Le forum a permis de dégager sept priorités majeures pour une irrigation plus performante et résiliente : soutien aux programmes nationaux intégrant une dimension régionale, amélioration des systèmes publics et communautaires, appui à l’irrigation portée par les agriculteurs, diversification des sources d’eau, approche territoriale intégrée, réduction du déficit d’investissement, et renforcement de la résilience face aux conflits et aux chocs environnementaux.
Investissements, gouvernance et coopération régionale au cœur des débats
Les ministres présents ont unanimement appelé à un effort accru de financement, tant par les budgets nationaux que via des partenariats public-privé. « Investissons dans des systèmes d’irrigation modernes et résilients pour garantir un avenir prospère à nos populations », a déclaré Dr. Mabouba Diagne, ministre sénégalais de l’Agriculture.
Les discussions ont souligné l’importance d’un meilleur ancrage territorial des politiques agricoles, d’une gouvernance renforcée et d’une transformation des systèmes de production vers des modèles diversifiés et orientés vers les marchés. Les agriculteurs, en tant qu’acteurs centraux du changement, devront être mieux accompagnés et impliqués dans la co-construction des solutions.
Vers un tournant décisif pour le Sahel
Pour Chakib Jenane, directeur du développement durable pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre à la Banque mondiale, « Dakar+10 doit marquer un tournant décisif ». Il y voit une opportunité unique de développer une agriculture irriguée résiliente, génératrice d’emplois et levier de réduction de la pauvreté dans la région.
Les participants se sont engagés à renforcer la coopération régionale pour une meilleure coordination des projets transfrontaliers, l’harmonisation des normes, et le suivi des progrès. Le cap est désormais fixé : faire de l’irrigation durable un pilier de la transformation agricole et de la résilience du Sahel face aux défis du 21e siècle.
FAYE IB