Le Premier ministre a présidé, hier, au Grand Théâtre de Dakar, la cérémonie de lancement du projet “Dakar Métropole 2050”. Cette initiative ambitieuse vise à transformer la capitale en une ville verte, inclusive et résiliente, tout en rééquilibrant le développement du Sénégal autour de huit pôles territoriaux.
« Dakar a grandi dans le désordre… Dakar doit être digne d’une capitale… Dakar a besoin d’organisation », a martelé le Premier ministre Ousmane Sonko lors de son discours d’ouverture. Devant un public composé d’élus, d’investisseurs, de chercheurs et de représentants de la société civile, il a fixé les contours d’un projet qui dépasse la simple rénovation urbaine. Le chef du gouvernement entend rompre avec la logique qui, depuis l’indépendance, a fait de Dakar l’unique centre de décision et d’attraction du pays.
Rompre avec la centralisation et repenser Dakar
« De 1960 à maintenant, le Sénégal a été pensé à partir de Dakar et même pour Dakar », a-t-il rappelé. Son ambition est de briser ce schéma de centralisation excessive et donner aux autres régions les moyens de se développer. C’est dans ce cadre que s’inscrit la stratégie des huit pôles territoriaux, répartis sur l’ensemble du pays, et conçus pour interagir économiquement avec les pays voisins.
Le Premier ministre a précisé que Dakar Métropole 2050 n’était pas un simple catalogue d’immeubles futuristes, mais un projet global de requalification des quartiers, de construction d’équipements publics, d’extension de l’offre de logements et de mise en valeur des pôles économiques, culturels et portuaires. La capitale doit devenir une ville verte et inclusive, respirable et vivable, capable de soutenir le développement national. « Dakar, ville verte ne sera pas un slogan mais une réalité végétalisée », a-t-il promis.
Une capitale sous tension face à de multiples défis
Le ministre de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement du territoire, Moussa Bala Fofana, a livré un constat sévère. Dakar est aujourd’hui sous forte pression. Sa population croît rapidement, entraînant une explosion des besoins en logements et en infrastructures. La congestion du trafic, les inondations récurrentes, la hausse du coût de la vie et l’apparition d’îlots de chaleur rendent la ville de plus en plus difficile à vivre.
« Qu’on le veuille ou non, Dakar est la vitrine du Sénégal, la porte d’entrée du pays », a-t-il souligné. D’où l’importance de la transformer en une métropole moderne et attractive. Le projet prévoit un cadre de planification urbaine qui doit renforcer l’attractivité internationale de la capitale et capter de nouveaux investissements. « L’objectif est que, lorsqu’on pense grands projets en Afrique, on pense d’abord à Dakar, au même titre que Nairobi ou Johannesburg », a insisté le ministre.
Un indice composite territorial sera bientôt mis en place pour fournir une photographie scientifique des réalités dakaroises. Il servira à mieux valoriser les atouts de la ville : son identité culturelle, son littoral exceptionnel, son climat attractif et sa stabilité politique. Dans le même temps, le gouvernement veut relever les défis du développement durable en protégeant le littoral, en restaurant les espaces verts et en restructurant les quartiers existants. L’offre de logements sera élargie à travers un programme national qui inclut des formules de location-vente. L’idée est de rendre Dakar plus dense, mais aussi plus respirable et mieux organisée.
Les pôles territoriaux comme leviers de transformation nationale
Au-delà de la capitale, ce projet s’inscrit dans une vision nationale. Ousmane Sonko a insisté sur le rôle déterminant que doivent jouer les huit pôles territoriaux dans le rééquilibrage du pays. Certains sont frontaliers et doivent devenir des espaces de coopération avec les voisins immédiats. Le Premier ministre a cité en exemple le pôle du sud, qui accueillera un port en eau profonde et contribuera au rayonnement régional en lien avec les deux Guinées et la Gambie. Dans cette zone, des industries seront implantées pour transformer le gaz et la bauxite disponibles dans la région.
Le nord et le nord-est ne sont pas en reste. Situés près de la Mauritanie, ils doivent capitaliser sur la gestion partagée de ressources stratégiques comme le gaz ou le fleuve Sénégal. Pour le chef du gouvernement, il s’agit de repenser ces pôles afin qu’ils deviennent des relais économiques, mais aussi des espaces de coopération culturelle et sociale. « Les pôles doivent devenir des acteurs de coopération internationale, d’échanges culturels et économiques », a-t-il insisté, évoquant le précédent historique des pays qui ont bâti leur essor à partir de leurs zones côtières.
Le ministre Moussa Bala Fofana a souligné que ce maillage territorial était indispensable pour désengorger la capitale. Tant que la demande en logements et en emplois explose à Dakar, et que l’offre stagne, la ville restera chère et difficile à vivre. L’État veut donc créer des alternatives crédibles dans les régions afin d’offrir de nouvelles perspectives aux populations et réduire les déséquilibres territoriaux.
Avec « Dakar Métropole 2050 », le gouvernement sénégalais affiche une double ambition : transformer en profondeur la capitale et poser les bases d’un développement national équilibré. Dakar doit rester le moteur économique et culturel du pays, mais elle ne peut plus être le seul centre de gravité. L’équilibre passera par la montée en puissance des pôles régionaux et par une meilleure intégration avec les pays voisins.
EL FAYE