La machine judiciaire de la reddition des comptes s’emballe ! Les promesses de campagne des Patriotes prennent enfin forme. Eux, ils ont juré de recouvrer le moindre Franc CFA puisé dans les caisses de l’Etat par les hiérarques du régime de Macky Sall. Cette fois-ci, la cible est de taille : Farba Ngom. L’ex-député influent et proche du pouvoir, est désormais au centre d’une enquête financière de grande envergure. Il est accusé de blanchiments de capitaux et d’autres délits économiques. La procédure judiciaire dont il fait face s’annonce très complexe. Entre dénonciations d’un acharnement politique et soupçons de transactions illicites, retour sur la descente aux enfers d’un lieutenant indéfectible de Macky Sall.
Le Pool Judiciaire et Financier (PJF) est à la pointe de glaive. La reddition des comptes a démarré. Cette fois-ci, c’est un gros bonnet qui est en ligne de mire : Farba Ngom. Le « Marodi » d’Agnam, jadis intouchable, doit rendre compte devant les juges.
Une enquête aux ramifications explosives
Tout a commencé ave le rapport explosif de Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF). Chargé de surveiller les flux financiers, l’institution a mis des transactions douteuses estimées à 125 milliards de francs CFA. Ces montants colossaux, aux origines obscures, conduisent les autorités judiciaires à ouvrir une enquête. Immédiatement le parquet financier sollicite l’Assemblée nationale pour obtenir la levée de l’immunité parlementaire de Farba Ngom. Un coup dur pour l’ancien député-maire qui se voit désormais soumis à la rigueur de la dame justice. Très vite, une information judiciaire est ouverte pour des charges graves : association de malfaiteurs, blanchiment de capitaux, escroquerie portant sur les deniers publics, corruption, trafic d’influence et abus de biens sociaux.
Le nom de Tahirou Sarr, un homme d’affaire influent, connu dans l’affaire des 94 milliards qui a défrayé la chronique entre 2021 et 2022, apparait dans l’enquête. L’implication de ce magnat alimente les rumeurs. Si certains parlent d’un vaste réseau de détournements financiers, d’autres préfèrent rester prudent quant à la qualification des faits.
Une convocation qui interroge
C’est le lundi 10 février que Farba Ngom a reçu une convocation officielle pour une audition prévue jeudi devant le Pool Judiciaire et Financier (PJF). Maitre Doudou Ndoye, son avocat, critique les conditions opaques de cette démarche. Son client, dit-il, est convoqué sans être informé précisément des faits qui lui sont reprochés. « Est-ce normal, dans un pays démocratique, qu’un citoyen soit convoqué sans savoir exactement ce qui lui est reproché ? », s’interroge-t-il devant la presse. A son avis, « cette absence de clarté alimente la théorie d’une procédure biaisée, visant davantage à fragiliser politiquement Farba Ngom qu’à faire éclater la vérité ». L’avocat dénonce un acharnement qui, selon lui, s’inscrit dans un contexte de règlements de comptes politiques.
Farba Ngom, cible d’une manœuvre politique ?
Si la justice le poursuit pour des faits graves, Farba Ngom peut toujours compter sur ses soutiens. De Fouta à Paris en passant par Pointe- Noire, les partisans de l’ex député ont manifesté leur mécontentement. Des échauffourées ont même eu lieu à Agam entrainant l’arrestation de ses partisans. Depuis l’éclatement de l’affaire, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer un complot destiné à abattre une figure politique influente. Parmi elles, la coordination de l’Alliance pour la République (APR) de Pointe-Noire, au Congo. « Farba Ngom est victime d’un acharnement politique », affirme-t-elle dans un communiqué, appelant ses militants à se mobiliser.
Pour ses partisans, l’homme incarne le patriotisme et le dévouement à la République. Son engagement politique et son influence au sein du pouvoir ont fait de lui une cible idéale pour ses adversaires. « Ils essayent de l’humilier depuis des mois », martèle Me Ndoye, convaincu que son client est pris dans une spirale d’accusations sans fondement. Lors des dernières législatives, l’homme a été l’artisan incontournable de la victoire de l’opposition dans la région de Matam avec un score notable.Toutefois, ces arguments peinent à dissiper les doutes. Si Farba Ngom était autrefois un homme de l’ombre qui tirait les ficelles au sein du pouvoir, aujourd’hui, il est sous le feu des projecteurs pour des raisons bien moins glorieuses.
Des accusations qu’avaient anticiper Maître Ousmane Diagne, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, le Pool judiciaire et financier (PJF) lors de l’installation du PJF au mois de septembre 2024. Selon lui, c’est un organe juridictionnel à compétence nationale institué au sein de la Cour d’appel et du Tribunal de Grande Instance (TGI) hors classe de Dakar « pour réprimer les infractions à caractère économique et financier ». Ecartant ainsi le règlement de compte politique.
Vers une issue incertaine
Au-delà des implications politiques, c’est tout un réseau d’influence qui vacille. Farba Ngom, homme d’affaires et politique chevronné, a construit sa fortune et son pouvoir sur des alliances stratégiques, selon certains de ses détracteurs. Proche du cercle présidentiel avec l’avènement du Président Macky Sall, il a longtemps bénéficié d’une certaine immunité, qui semble aujourd’hui s’effriter.
La mise en cause de ses pratiques financières, si c’est confirmé par la justice, pourrait bien être le début de la fin pour cet homme qui a longtemps régné sur sa région. Son influence, bâtie sur des années de relations politiques et d’activités économiques, est aujourd’hui menacée par la justice. L’affaire rappelle d’autres scandales qui ont ébranlé la scène politique sénégalaise. Des figures influentes, autrefois intouchables, ont vu leur empire s’effondrer sous le poids des accusations judiciaires. L’affaire Karim Wade en est une illustration parfaite. Farba Ngom sera-t-il le prochain sur la liste ?
Alors que l’audition de Farba Ngom approche, l’opinion publique reste divisée. Certains voient dans cette affaire une avancée majeure dans la lutte contre la corruption et l’impunité, tandis que d’autres y discernent un règlement de comptes politique. La justice sénégalaise a désormais la lourde tâche de faire la lumière sur ce dossier explosif. Si les charges sont avérées, Farba Ngom pourrait connaître une chute aussi brutale que spectaculaire. À l’inverse, si l’enquête s’avère infondée ou biaisée, elle pourrait discréditer les institutions judiciaires et renforcer le sentiment d’une instrumentalisation politique de la justice.
Dans un pays où la lutte contre la corruption est devenue le fer de lance des autorités actuelles sous le slogan de « Jub -Jubbal-Jubbànti », cette affaire constitue un test crucial pour les autorités. La suite de la procédure dira si Farba Ngom est un coupable pris dans les filets de la justice ou une victime d’un système qui cherche à éliminer ses rivaux politiques.
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