OUI POUR UNE CAN TOUS LES QUATRE ANS

OUI POUR UNE CAN TOUS LES QUATRE ANS

     Depuis quelques jours, le débat sur l’éventualité du passage de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) d’une périodicité biennale à quadriennale anime les discussions parmi les passionnés de football africain.

     Comme souvent, ce débat s’est rapidement cristallisé autour d’un coupable désigné : la FIFA et son président, Gianni Infantino. Ils seraient, à en croire certains, responsables de tous les maux et de tous les drames du football africain.

     Cette lecture, aussi confortable soit-elle, est intellectuellement paresseuse et surtout profondément erroné.

     Car elle masque une réalité plus dérangeante c’est à dire notre incapacité chronique à assumer notre part de responsabilité dans ce qui nous arrive.

      Qu’il s’agisse de politique, d’économie, d’histoire, de culture, de sport ou de gouvernance, nos errances seraient toujours la faute des autres.

     Il est temps que le football africain devienne enfin le gérant de son propre destin et l’écrivain de sa propre histoire.

     La réalité des rapports de force révèle une dépendance structurelle et conjoncturelle que nous feignons trop souvent d’ignorer.

Que reproche-t-on réellement à la FIFA ? Son hégémonie sur le football africain ? Sa supposée mise sous tutelle de la Confédération Africaine de Football (CAF) ?

     Mais pouvait-il en être autrement dans le contexte actuel ?

L’écrasante majorité des fédérations africaines de football fonctionnent grâce aux financements de la FIFA : le programme FIFA Forward : l’appui aux compétitions, l’aide à la gouvernance, le développement des infrastructures, la formation technique et administrative.

       Plus encore, une part significative des compétitions africaines n’existerait tout simplement pas sans l’appui financier de la FIFA.

De plus en plus, cette dernière se substitue même aux États africains et aux collectivités territoriales en matière d’infrastructures sportives.

     Paradoxalement, ce sont aussi les textes réglementaires de la FIFA qui ont permis aux meilleures sélections africaines de rivaliser aujourd’hui avec celles d’Europe et d’Amérique du Sud, notamment à travers l’instauration de la notion de nationalité sportive.

     Dès lors, une question dérangeante mais nécessaire s’impose : peut-on être pleinement indépendant de celui qui finance votre survie ?

     À cette dépendance institutionnelle s’ajoute une autre, encore plus structurante : la dépendance vis-à-vis des clubs européens.

La quasi-totalité des joueurs des CAN qui composent les sélections nationales africaines évoluent dans les championnats européens.Leur performance, leur rigueur professionnelle, leur préparation physique, leur sécurité financière et même leur visibilité internationale portent la marque de leurs clubs employeurs.

Ce sont ces clubs qui versent les salaires, assurent les soins médicaux, offrent les meilleures conditions de travail et alimentent financièrement l’UEFA et la FIFA.

Dès lors, l’agacement de certains entraîneurs européens face aux interruptions répétées de leurs effectifs, même lorsqu’il s’exprime de manière maladroite, relève moins du mépris que d’une logique économique implacable.

 Ainsi, si l’Afrique ne trouve pas rapidement une solution intelligente et durable à cette équation, la logique commerciale finira par triompher. Et de plus en plus de joueurs africains expatriés auront des difficultés à répondre à l’appel de la nation.

Dans ce contexte, aligner la périodicité de la CAN sur celle des autres grandes compétitions continentales, notamment européennes, n’est ni une soumission ni un renoncement. C’est un véritable choix stratégique et de survie.

     Un choix rationnel, dicté par la réalité du marché mondial du football. Mais aussi une mesure qui soulage profondément les États africains, principaux bailleurs des équipes nationales A.

Car il faut le dire sans détour : les années de CAN perturbent lourdement les arbitrages budgétaires nationaux.

     Face à des budgets publics non extensibles, il a souvent fallu sacrifier des fédérations dites « mineures », geler des préparations olympiques ou mondiales, détourner des ressources prévues pour d’autres disciplines, afin de mobiliser entre 5 et 10 milliards de FCFA pour satisfaire le « dictateur football ».

     Les fédérations sportives moins médiatisées ne peuvent, elles aussi, que se réjouir d’une telle réforme : elle mettra fin à un stress budgétaire récurrent et à une injustice structurelle dans l’allocation des ressources publiques.

Soyons clairs : réduire la fréquence de la CAN ne doit pas appauvrir le football africain, mais au contraire l’obliger à se réinventer.

Face à cette décision, il appartient désormais à l’Afrique de créer d’autres compétitions structurantes, de renforcer ses championnats locaux, d’investir sérieusement dans la formation, d’améliorer la gouvernance et, surtout, de réduire progressivement sa dépendance à la FIFA et à l’Europe.

      Le prix de l’ambition du football africain se situe précisément à ce niveau : oser regarder la réalité en face, faire des choix courageux et en assumer pleinement les conséquences.

En conclusion, il est clair que militer pour une CAN tous les quatre ans, ce n’est pas renier notre histoire. C’est, au contraire, une opportunité historique pour mieux préparer l’avenir du football africain.

Souleymane Boun Daouda DIOP

Directeur général du Cabinet SERISE-SARL.

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