« L’Afrique doit d’abord compter sur elle-même ». C’est par cette formule sans équivoque que le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a ouvert hier la 19ᵉ édition du Forum africain des systèmes alimentaires (AFSF), au Centre international de conférences Abdou Diouf (CICAD) de Diamniadio. Aux côtés de son homologue rwandais Paul Kagame et de l’ancien Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, président de l’AFSF, le chef de l’État a livré un diagnostic sévère sur la fragilité des systèmes agricoles africains, tout en esquissant les voies d’une renaissance nourrie par l’innovation et la jeunesse.
Près de 6 000 délégués venus de 80 pays participent à cette rencontre internationale, placée sous le signe de la transformation et de l’inclusion.
Un constat alarmant
Dès son allocution, Bassirou Diomaye Faye a tenu à saluer « le courage des millions d’agriculteurs africains » qui, en pleine saison des pluies, cultivent encore avec des moyens rudimentaires, dépendant de précipitations imprévisibles pour nourrir leurs familles. Une image qui illustre, selon lui, les faiblesses structurelles du secteur : rendements insuffisants, pertes post-récoltes estimées à 30 %, dépendance à la pluviométrie et vulnérabilité accrue face au changement climatique.
S’appuyant sur le dernier rapport de la FAO, le président sénégalais a rappelé qu’en 2023 plus de 700 millions de personnes souffraient de la faim dans le monde, dont une part importante en Afrique. « Si nous restons immobiles, a-t-il averti, plus d’un demi-milliard d’êtres humains pourraient encore être sous-alimentés d’ici 2030, la moitié d’entre eux sur notre continent. »
Pourtant, ce tableau sombre ne doit pas masquer les atouts immenses dont dispose l’Afrique : 65 % des terres arables non exploitées au niveau mondial, d’abondantes ressources hydriques et une jeunesse majoritaire, avec 60 % de la population âgée de moins de 25 ans. À l’horizon 2050, le continent comptera 2,5 milliards d’habitants, dont 600 millions de jeunes supplémentaires. « L’Afrique peut nourrir l’Afrique, et même contribuer à nourrir le monde », a martelé Bassirou Diomaye Faye.
La jeunesse au cœur de la refondation
Pour le président sénégalais, le levier principal de la transformation agricole réside dans la jeunesse. Il a plaidé pour des formations adaptées aux exigences d’une agriculture moderne et durable, mais aussi pour une participation active des jeunes dans la définition des politiques agricoles. « L’agriculture doit devenir un choix de carrière porteur d’avenir, pas une activité subie », a-t-il insisté.
Afin de concrétiser cette vision, il a identifié plusieurs priorités : mécanisation, maîtrise de l’eau, mise au point de semences résilientes, digitalisation, développement de la transformation agroalimentaire et respect des engagements de Maputo (au moins 10 % des budgets nationaux alloués à l’agriculture).
Évoquant le cas sénégalais, Diomaye Faye a mis en avant les Coopératives Agricoles Communautaires destinées à réduire les importations, la réforme de la loi sylvopastorale, une régulation plus stricte des importations agricoles et des investissements massifs dans les infrastructures de stockage et d’irrigation.
Vers une solidarité africaine
Au-delà du Sénégal, le chef de l’État a exhorté l’ensemble du continent à « rompre avec la dépendance extérieure » et à miser sur ses propres ressources. La souveraineté alimentaire, selon lui, ne saurait être atteinte qu’à travers une dynamique endogène et solidaire.
Il a par ailleurs souligné l’importance du commerce intra-africain et des opportunités offertes par la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). En facilitant la circulation et la transformation des produits agricoles, cette intégration économique pourrait constituer un levier décisif pour la sécurité alimentaire. Le secteur privé a également été appelé à investir massivement dans l’agrobusiness afin de bâtir des chaînes de valeur locales capables de répondre à la demande intérieure et de conquérir les marchés extérieurs.
« Unissons nos volontés, mobilisons nos ressources, et faisons de systèmes alimentaires robustes le moteur d’une renaissance africaine fondée sur la souveraineté et le développement partagé », a conclu Bassirou Diomaye Faye, confiant dans la capacité de la jeunesse africaine à relever ce défi historique.
Pendant cinq jours, experts, décideurs, entrepreneurs et représentants de la société civile tenteront de transformer ce plaidoyer en engagements concrets, pour dessiner l’avenir agricole du continent.
EL FAYE