La transformation verte de l’Afrique : un impératif stratégique sur la voie de la COP30

La transformation verte de l’Afrique : un impératif stratégique sur la voie de la COP30

Le « Mutirão » brésilien nous rappelle que l’action climatique n’est pas un moment, c’est un mouvement. Une Afrique verte et résiliente n’est pas seulement bénéfique pour les Africains, elle est essentielle pour une planète vivable.

Alors que les réunions de juin sur le climat de l’Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique et de l’Organe subsidiaire de mise en œuvre (SB 62) se sont achevées, la route vers la COP 30 à Belém, au Brésil, offre une occasion cruciale de faire entendre la voix, les priorités et le potentiel de l’Afrique. À mi-chemin des Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de l’Accord de Paris, le rôle de l’Afrique est à la fois urgent et stratégique.

La transformation verte de l’Afrique n’est pas facultative, c’est la voie la plus claire vers la résilience, la souveraineté et la croissance inclusive dans un monde touché par le changement climatique.

Bien que contribuant pour moins de 4 % aux émissions mondiales, l’Afrique subit une part disproportionnée des impacts climatiques, allant des inondations au Mozambique aux sécheresses prolongées dans la Corne de l’Afrique, en passant par l’insécurité alimentaire au Sahel. Pourtant, le continent recèle un immense potentiel : 60 % des meilleures ressources solaires du monde, les forêts du bassin du Congo, des minéraux essentiels pour les technologies propres et une population jeune et entreprenante.

L’Afrique ne cherche pas à être sauvée, elle a besoin de partenariats équitables, d’investissements audacieux et de l’espace politique nécessaire pour définir son propre avenir vert.

Transition verte de l’Afrique : une dynamique de progrès

Malgré les restrictions budgétaires, les pays africains progressent vers un développement respectueux du climat dans des conditions difficiles. Parmi les exemples notables, on peut citer :

  • Le Kenya, qui produit désormais plus de 90 % de son électricité à partir d’énergies renouvelables (géothermie, hydroélectricité et énergie éolienne).
  • Noor Ouarzazate, au Maroc, un des plus grands complexes solaires au monde, qui alimente les réseaux et catalyse l’industrie verte.
  • L’Éthiopie a restauré plus de 7 millions d’hectares de terres dégradées

Bien que prometteuses, leur mise à l’échelle nécessite un soutien international, des investissements et des transferts de technologie.

Aligner la justice climatique sur l’action

La COP30 de Belém offre une plateforme pour centrer la diplomatie climatique sur les populations et la nature. La vision de la présidence brésilienne rejoint celle de l’Afrique sur les points clés suivants :

  • Une transition juste ancrée dans les besoins de développement des pays africains ;
  • Un programme positif pour la nature reliant le climat, les forêts et la biodiversité ;
  • Réformes de la gouvernance mondiale, y compris une plus grande représentation du Sud global.

La *quatrième lettre de la présidence brésilienne de la COP30* met l’accent sur l’engagement inclusif à travers l’approche « Mutirão » — un modèle collectif et participatif fondé sur la solidarité et les voix communautaires, faisant écho aux valeurs africaines.

Alors que les pays préparent leur troisième cycle de Contributions déterminées au niveau national, l’Afrique insiste pour qu’elles intègrent l’adaptation, les transitions justes et les objectifs de développement local. Le Bilan mondial (GST) doit aller au-delà de l’examen et conduire à une correction de trajectoire, en fournissant un financement réel, un transfert de technologie et un renforcement des capacités.

Le Groupe africain de négociateurs a clairement défini les priorités de l’Afrique : adaptation, financement équitable, accès à l’énergie, pertes et dommages, et renforcement des capacités. Ces priorités doivent être directement intégrées au suivi du Bilan, aux mécanismes financiers et aux modalités de mise en œuvre.

Une étape importante avant la COP30 sera le Sommet africain sur le climat, en novembre, où les dirigeants et les parties prenantes définiront l’agenda unifié du continent et les priorités opérationnelles pour Belém et au-delà.

Les Conventions de Rio : réunir climat, biodiversité et territoire

L’Afrique est le lieu où les trois conventions de Rio — sur les changements climatiques (CCNUCC), sur la biodiversité (CDB) et sur la désertification (CNULCD) — se croisent le plus visiblement.

La lutte contre les crises interconnectées de la dégradation environnementale et des inégalités de développement, exige des solutions intégrées et adaptées au contexte. Les investissements fondés sur la nature offrent de nombreux avantages, tandis que des fonds, comme le Rwanda Green Fund, ont démontré leur capacité à mobiliser des capitaux pour stimuler des investissements verts stratégiques. La transition verte de l’Afrique doit transcender les faux clivages — atténuation contre adaptation, infrastructures contre nature — et adopter des voies synergétiques capables de transformer rapidement des millions de vies.

Ce dont l’Afrique a besoin sur la route de la COP30

Pour libérer son potentiel vert, l’Afrique doit se concentrer sur six impératifs stratégiques :

  1. Centrer l’adaptation sur le financement climatique : seuls 2 % des financements mondiaux pour le climat parviennent aux communautés locales et aux petits exploitants agricoles en Afrique. Cela doit changer. Le soutien aux plans nationaux d’adaptation, aux systèmes d’alerte précoce et aux plateformes communautaires doit être prévisible et piloté par les pays.
  2. Assurer un financement climatique équitable

L’Afrique soutient une feuille de route mondiale pour le financement climatique de 1 300 milliards de dollars par an. Les mécanismes doivent inclure des financements publics, un allègement de la dette et des mécanismes de compensation des pertes et dommages, et pas seulement des prêts. La rapidité, l’échelle et l’équité sont essentielles.

  1. Autonomiser les populations en priorité

Les stratégies de transition doivent refléter les réalités africaines : investir dans la cuisson propre pour 900 millions de personnes, créer des emplois verts pour les jeunes et fournir de l’électricité à plus de 600 millions d’Africains qui ne sont toujours pas connectés au réseau.

  1. Libérer l’innovation du secteur privé

Grâce à des outils de dérisquage et à une réglementation plus claire, les innovateurs africains peuvent jouer un rôle de premier plan dans les domaines de l’agritech, de la mobilité électrique, du stockage sur batterie et des marchés du carbone. Les PME doivent être reconnues comme des cocréatrices et non comme des bénéficiaires passives.

  1. Promouvoir la finance fondée sur la nature

L’Afrique peut élaborer des propositions telles que le Mécanisme de financement pour les forêts tropicales (Tropical Forest Finance Facility, TFFF) du Brésil, en veillant à ce qu’elles soient adaptées aux écosystèmes et aux communautés africaines. Des garanties solides, des droits fonciers et un partage équitable des bénéfices sont essentiels.

  1. Intégrer la gouvernance dans tous les secteurs

Le climat, les terres, l’eau, la biodiversité et la santé sont étroitement liés. Les stratégies nationales et celles des donateurs doivent en tenir compte. Les ministères du Climat doivent travailler en collaboration avec les organismes chargés de l’agriculture, des finances, de l’égalité des genres et de la planification.

Le rôle de la Banque africaine de développement

La Banque africaine de développement est un moteur essentiel de la transition verte du continent. Elle mobilise des financements pour le climat, soutient les infrastructures régionales et soutient des projets phares dans les domaines des énergies propres, de l’agriculture climato-intelligente et des emplois verts.

La Banque a consacré 40 % de son portefeuille au financement climatique, dont 50 % à l’adaptation, établissant ainsi une référence mondiale. Grâce au Guichet d’action climatique du FAD-16, plus de 429 millions de dollars ont déjà été engagés, dont 75 % sont consacrés à l’adaptation. Ces fonds aident des pays comme la Sierra Leone, le Niger et le Mozambique à améliorer leur sécurité hydrique, leur résilience agricole et leurs infrastructures climatiques.

À la mi -2024, la Banque avait reçu plus de 350 propositions de projets pour un montant total de 4 milliards de dollars, témoignant de la préparation de l’Afrique. Il est désormais nécessaire de mettre en place un investissement à long terme bien coordonné pour transformer l’ambition en impact.

Belém doit agir pour l’Afrique et la planète

La COP30 ne peut être un simple sommet. C’est un test de crédibilité. Pour l’Afrique, il s’agit de passer de la négociation à un changement de système.
L’Afrique ne demande pas la charité. Elle exige un accès équitable au financement climatique, le respect des droits au développement et un système de gouvernance où la voix de l’Afrique influence les décisions.

Comme le rappelle le « Mutirão » brésilien, l’action climatique n’est pas un moment, c’est un mouvement. Une Afrique verte et résiliente n’est pas seulement bénéfique pour les Africains, elle est essentielle pour une planète vivable.

Arona SOUMARE

Chargé en chef du Changement climatique et de la croissance verte

Coordinateur des Conventions de Rio

Blog publié, à l’origine, par la BAD

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