Meissa Babou : « Avec des ressources endogènes, notre endettement va drastiquement baisser »

Meissa Babou : « Avec des ressources endogènes, notre endettement va drastiquement baisser »

L’enseignant-chercheur en économie à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Meissa Babou a suivi avec beaucoup d’intérêt la présentation du Plan de redressement économique et social. Une stratégie qu’il juge « excellente » et convaincante en ce sens qu’elle s’appuie sur des ressources endogènes. Dans cet entretien accordé à Seneweb, il souligne que cette option de puiser sur des ressources propres permettra de baisser drastiquement la dette qui caracole à 119% du Pib. Entretien !

Quelle lecture faites-vous du plan de redressement qui a été présenté ce vendredi par le Premier ministre Ousmane Sonko ?

C’est une excellente présentation qui anticipe les pressions des bailleurs de fonds, notamment du FMI. Le Premier ministre a eu raison de proposer un plan de restructuration des recettes et des dépenses. Il a démontré que le Sénégal dispose d’une capacité financière endogène grâce à une réforme approfondie de la fiscalité, ciblant des niches pour générer 5 677 milliards de francs CFA. Par ailleurs, l’État prévoit une réduction des dépenses via une réorganisation de l’administration centrale et, à terme, des agences. Il s’agissait surtout de prouver que, malgré un niveau d’endettement actuel alarmant, le Sénégal peut, avec intelligence, créer des ressources hors pétrole. Cette initiative positive devrait permettre de revoir la perception négative qui avait conduit à la dégradation de notre note souveraine. Je crois que c’est là l’élément le plus important pour éviter la pression du FMI.

Le Plan est-il convaincant ?

Oui ! Ce plan de redressement repose sur deux axes majeurs : l’amélioration des recettes et la démonstration de leur faisabilité grâce à des niches fiscales. Cela peut convaincre. On n’a pas touché aux denrées de première nécessité comme le riz, le pain ou l’énergie. On a créé de nouvelles ressources hors pétrole. En parallèle, en réduisant les dépenses, on obtiendra une marge budgétaire, ce qui était inexistant auparavant. Cela pourrait contribuer à réduire le déficit budgétaire, actuellement à 12 %. Avec plus de ressources, un budget moins déficitaire devient possible. À mon avis, c’est une prouesse. Toutefois, il ne s’agit pas de défendre un plan de développement global, car on n’a pas abordé le financement de secteurs comme l’agriculture. L’accent a été mis sur une souveraineté financière et sur une démonstration au FMI que le Sénégal peut honorer ses engagements. Même sans le FMI, nous sommes prêts à financer 80 % de ce plan de manière endogène. Ce sont des fiscalistes qui ont joué sur les leviers fiscaux, allant chercher des fonds çà et là, et c’est une approche acceptable.

“Il ne faut pas exclure totalement le FMI, qui reste un partenaire stratégique”

Mobiliser 80 % de cette enveloppe est-ce possible sans l’appui du FMI ?

Bien sûr ! Le Premier ministre l’a affirmé, et nous pouvons y parvenir en mobilisant des ressources endogènes, y compris des crédits domestiques basés sur l’épargne locale. Oui, c’est réalisable sans le FMI à hauteur de 80 %. Cela dit, il ne faut pas exclure totalement le FMI, qui reste un partenaire stratégique. Ce qui est remarquable, c’est que face à cette proposition, le FMI pourrait hésiter avant de nous lâcher, se disant : « Ces gens-là sont capables de survivre. » La meilleure option pour eux serait alors de coopérer.

Le Sénégal vient de donner une leçon au monde entier. C’est un excellent exemple pour tous les pays africains endettés : il ne faut pas rester passifs et subir la pression, mais agir en proposant des solutions. Maintenant, si le FMI n’est pas d’accord sur une ou deux propositions, il pourra demander des ajustements. Mais si nous avions croisé les bras, ils auraient imposé des hausses sur les salaires, le pain, le riz, et supprimé toutes les subventions. Cette présentation intelligente montre au FMI que nous ne l’attendons pas, que nous avons nos propres propositions.

“Ce plan intègre un aspect social important avec un financement des secteurs de base tels que la santé et l’éducation”

Le PM a aussi annoncé une nouvelle fiscalisation des opérateurs de transfert d’argent. Est-ce que cela aura des répercussions sur les consommateurs ?

Cela n’aura pas d’impact, comme l’a souligné le Premier ministre. Ces plateformes de transfert d’argent constituent une niche fiscale. Je pense que les consommateurs sénégalais ne seront pas affectés par cette mesure. Ce ne sont pas des éléments fondamentaux de leur quotidien, comme le pain ou le riz. De plus, ce plan intègre un aspect social important avec un financement des secteurs de base tels que la santé et l’éducation.

On n’a pas touché au coût de la vie. On a taxé le ciment qui n’était pas suffisamment imposé, le tabac – nocif et donc justifiable à taxer –, le numérique qui n’a jamais contribué, et même la presse en ligne qui échappe à l’impôt. J’aurais même ajouté les lutteurs qui encaissent 100 millions de francs CFA sans payer de taxes. Tous ces revenus doivent être fiscalisés. Cela n’affecte pas les Sénégalais lambda. À mes yeux, c’est extrêmement intelligent, jusqu’à inclure le foncier.

À terme, à quels résultats peut-on s’attendre ?

À terme, on peut anticiper une baisse drastique de notre taux d’endettement. En misant sur des ressources endogènes propres, nous réduirons notre dépendance à l’emprunt. Le Premier ministre n’a pas lancé de grands projets comme des ponts ou des aéroports. Il a exclu les PAP 1 et PAP 2. Il préfère investir à la base, dans la santé, l’éducation, etc. Pour cela, pas besoin d’eurobonds. Il s’est tourné vers ce qui est réalisable avec les moyens disponibles. Il ne s’agit pas d’aller chercher de gros financements, mais de créer de nouvelles recettes pour couvrir les dépenses internes et externes. Ainsi, le stock de la dette pourrait diminuer.

Propos recueillis par Thiebeu NDIAYE

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