Les entreprises sénégalaises du bâtiment et des travaux publics (BTP) tirent la sonnette d’alarme face à leur mise à l’écart croissante dans l’attribution des marchés publics. Cette situation, jugée préoccupante par les professionnels du secteur, a été au cœur des échanges d’un atelier tenu le jeudi 24 juillet 2025 à Dakar, sur le thème : « L’accès des BTP à la commande publique ».
Les représentants du secteur privé ont exprimé leur frustration, déplorant une présence de plus en plus marginale des entreprises nationales dans les grands projets d’infrastructure. Selon eux, les conditions d’accès aux marchés publics favoriseraient systématiquement les entreprises étrangères, au détriment des capacités locales. Moustapha Djitté, directeur général de l’Autorité de régulation de la commande publique (ARCOP), a reconnu cette dérive préoccupante, qu’il attribue à la domination grandissante des sociétés étrangères sur les appels d’offres. Il a plaidé pour une réorientation stratégique, appelant à une endogénéisation effective des marchés publics.
Le ministre des Infrastructures, Yankhoba Diémé, présent à l’atelier, a indiqué que le gouvernement prépare une réponse structurelle à travers un projet de loi sur le patriotisme économique et la préférence nationale. Il a précisé que ce texte sera bientôt soumis à l’Assemblée nationale. Pour lui, il est impératif de redonner toute sa place au BTP national : « Ce secteur représente 30 % de la commande publique et contribue à hauteur de 4 % au PIB. Nous ne pouvons pas construire ce pays sans une relance forte du BTP national. » Il affirme avoir initié un dialogue « franc et assaini » avec les acteurs concernés pour définir des solutions durables.
Abdel Kader Ndiaye, président du Syndicat national des entreprises du bâtiment et des travaux publics (SNEBTP), a quant à lui dénoncé les nombreux obstacles auxquels sont confrontées les entreprises sénégalaises. Il a fustigé les critères restrictifs intégrés dans les appels d’offres, qui disqualifient d’emblée nombre d’entreprises locales. Selon lui, « 70 % des marchés publics, en valeur, échappent aujourd’hui aux entreprises sénégalaises en raison de conditions arbitraires imposées dès la phase de sélection ». Il a également mis en cause le manque de suivi contractuel, les retards chroniques de paiement et le non-respect fréquent des engagements des maîtres d’ouvrage. Pourtant, le secteur du BTP emploie, selon ses estimations, près de 600 000 personnes, en emplois directs et indirects, et contribue à hauteur de 6 à 7 % au produit intérieur brut.
Dans un contexte où la souveraineté économique est érigée en priorité nationale, la future loi sur la préférence nationale pourrait marquer un tournant décisif en faveur du tissu productif local.
el faye