Accusé de détournement de fonds publics, blanchiment d’argent et escroquerie à hauteur de 31 milliards FCFA, le député-maire des Agnam, Farba Ngom, se retrouve au cœur d’une affaire judiciaire aux multiples rebondissements. Lors d’une conférence de presse tenue par son collectif d’avocats, les conseils de l’élu, Maîtres Boubacar Cissé et Oumar Youm, ont vigoureusement dénoncé une procédure qu’ils jugent entachée d’irrégularités flagrantes et motivée par des arrières-pensées politiques.
Pour Maître Cissé, tout part d’une déclaration publique d’Ousmane Sonko, adversaire politique de Farba Ngom, affirmant à Agnam que celui-ci menait sa « dernière campagne électorale ». Une annonce qui, selon lui, aurait précipité les actions judiciaires à son encontre. Le rapport de la CENTIF (Cellule d’Étude et de Traitement des Informations Financières), daté du 24 décembre 2024, est rapidement devenu le pivot de l’accusation. Pourtant, ce document, présenté comme un simple instrument d’information, aurait été détourné de sa vocation pour alimenter un réquisitoire sévère. Résultat : levée de l’immunité parlementaire, inculpation et placement sous mandat de dépôt sans qu’aucune audition au fond n’ait eu lieu.
Plus inquiétant encore, la défense dénonce le rejet de la proposition de garantie de Farba Ngom, qui offrait des titres fonciers pour assurer sa représentation. Le magistrat instructeur aurait argué de leur non-enregistrement préalable pour refuser cette mesure. Cependant, ces mêmes titres ont été saisis par ordonnance quelques jours plus tard, sans avertir les avocats. « On écarte les billets comme non valables, puis on les entre discrètement », s’indigne Me Cissé, y voyant la marque d’une justice à deux vitesses, voire d’une manipulation orchestrée dans l’ombre.
Une entreprise de démolition personnelle et politique
Au-delà des aspects strictement juridiques, Me Cissé s’inquiète d’une campagne d’humiliation ciblant la famille de Farba Ngom. Son frère, venu lui rendre visite depuis l’étranger, aurait été interpellé sans qu’aucun élément de la procédure ne le mentionne. « On l’a mis derrière les barreaux… », déplore-t-il, redoutant que d’autres proches – épouse, enfants, mère, oncles – soient également pris pour cibles. Il évoque une véritable « entreprise de démolition » visant à transformer Agnam en prison à ciel ouvert, sous prétexte de justice.
Pour l’avocat, ces mesures préventives – gel des comptes bancaires, confiscation de biens immobiliers – ont été mises en œuvre avant même toute inculpation formelle ou audition de son client, violant ainsi les principes élémentaires de la procédure. « C’est une transgression claire de la loi. On piétine les textes pour atteindre un homme », martèle-t-il, dénonçant un procès politique déguisé en poursuite judiciaire.
Même tonalité chez Maître Oumar Youm, autre ténor du barreau et membre du collectif de défense. Selon lui, l’affaire Farba Ngom est une commande politique exécutée par le parquet. « Si demain, en l’état du dossier, Farba Ngom et Tahirou Sarr comparaissent devant un tribunal libre, impartial et indépendant, ils seront relaxés purement et simplement », assure-t-il.
« Où sont le faux documents »
Sur le fond, Me Youm questionne les fondements mêmes des poursuites : « Farba est poursuivi pour escroquerie, complicité d’escroquerie et détournement de deniers publics », rappelle-t-il, avant de démonter, point par point, les éléments manquants selon lui dans le dossier. « Où sont les faux documents, la manœuvre frauduleuse, ou encore l’usage de faux qui auraient permis la levée des fonds incriminés ? Comment Farba Ngom et Tahirou Sarr, qui ne sont ni comptables, ni ordonnateurs de dépenses publiques, auraient-ils pu détourner ces sommes ? Autant de questions restées sans réponse dans l’accusation », déplore-t-il
Il souligne également l’incongruité des accusations de blanchiment d’argent par des personnes qui n’auraient utilisé que des transactions traçables. « Les auteurs de blanchiment d’argent, s’ils étaient coupables, éviteraient justement les circuits officiels de transfert », observe-t-il.
Les deux avocats en appellent donc à une mobilisation judiciaire pour faire respecter les droits fondamentaux de leur client. Me Cissé, insistant sur le fait qu’il n’a « jamais été actif dans aucun parti politique », affirme défendre « les lois de la République » contre une dérive préoccupante. Sa mise en garde est claire : « Nous voulions la chute de Farba, nous l’avons obtenue. Il est temps que cela cesse maintenant. » Il redoute que la prochaine étape soit l’arrestation de la mère de Farba Ngom. « Mais jusqu’où irons-nous ? », conclut-il.
El FAYE