15 milliards recouvrés, 292 dossiers traités… : Sur le front de la redevabilité, la justice avance résolument et méthodiquement

15 milliards recouvrés, 292 dossiers traités… : Sur le front de la redevabilité, la justice avance résolument et méthodiquement

Sept mois après l’installation du Pôle judiciaire financier (PJF) le 17 septembre 2024, la justice sénégalaise affiche des résultats probants dans la lutte contre la délinquance économique et financière. Lors d’une conférence de presse tenue ce jeudi 17 avril 2025 à Dakar, le Procureur général près la Cour d’appel de Dakar, Mbacké Fall, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance hors classe de Dakar, Ibrahima Ndoye, et le Procureur de la République financier, El Hadj Alioune Abdoulaye Sylla, ont présenté un bilan significatif, illustrant l’engagement du Sénégal à promouvoir la transparence et la redevabilité.

Un bilan remarquable pour le Pôle judiciaire financier
Le procureur financier, El Hadj Alioune Abdoulaye Sylla, a révélé des chiffres éloquents : 292 dossiers ont été traités, impliquant 262 personnes interpellées. Parmi ces dossiers, 142 émanent des unités d’enquête, 14 ont été transmis par un juge d’instruction, 20 proviennent de la CENTIF, et 8 de l’OFNAC. Les investigations ont conduit à la saisie de 92 véhicules, 11 titres fonciers, et un montant de 15 milliards FCFA en cautionnements et saisies. La valeur globale des avoirs saisis atteint 135 milliards FCFA, incluant biens immobiliers, véhicules, et ressources financières.
Ces résultats témoignent d’une lutte acharnée contre les infractions économiques, notamment dans la gestion des fonds publics comme le Fonds Force Covid-19. « Le Pôle judiciaire financier a pour mission la répression des infractions telles que le blanchiment de capitaux, la corruption, ou encore le détournement de fonds publics », a rappelé Sylla, soulignant la complexité des enquêtes. Il a précisé : « La lutte contre la délinquance économique et financière demande du temps et de la détermination, car elle implique souvent plusieurs acteurs localisés dans des aires géographiques différentes et qui ont souvent recours à des personnes expertes dans l’art de dissimuler les avoirs criminels. »

Fonds Force Covid-19 : Cinq anciens ministres visés, l’Assemblée nationale sollicitée
L’enquête sur le Fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid-19 (Force Covid-19), doté de 740 milliards FCFA, constitue un dossier prioritaire. Ce jeudi, le procureur général Mbacké Fall a annoncé que l’exploitation du rapport de la Cour des comptes sur les exercices 2019 et 2020 a révélé de graves présomptions de détournement de deniers publics pesant sur plusieurs anciens membres du gouvernement. En conséquence, les dossiers de cinq anciens ministres, occupant des postes clés durant la crise sanitaire, ont été transmis à l’Assemblée nationale.
Selon Mbacké Fall, ces anciens ministres sont soupçonnés de détournement de fonds, de dépenses non justifiées, et de surfacturation d’équipements médicaux. Cette transmission ouvre la voie à une éventuelle mise en accusation devant la Haute Cour de justice, seule habilitée à juger les anciens ministres pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions. « Les investigations confirment des irrégularités graves dans la gestion des ressources publiques », a-t-il déclaré, précisant qu’une résolution de l’Assemblée nationale est requise pour autoriser leur comparution. Il a ajouté que des arrestations et mises en examen pourraient intervenir dès la finalisation des procédures préliminaires, tout en réaffirmant l’engagement du parquet à agir « en toute indépendance » pour protéger l’argent public.
Le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, a placé la reddition des comptes au cœur de son action, tout en prônant une justice rigoureuse et équitable. Le 13 février 2025, il déclarait : « La Cour des comptes a révélé des irrégularités qui vont au-delà des erreurs comptables. Des enquêtes exhaustives identifieront tous les responsables, dans le respect de la présomption d’innocence. » Il insistait également sur une approche méthodique : « Nous agirons avec rapidité, responsabilité et méthode pour traduire les coupables devant les juridictions. » Ces principes guident le PJF, qui succède à la CREI avec une structure modernisée, adaptée aux défis actuels.

Récentes interpellations dans l’affaire des fonds Covid
L’affaire des détournements présumés liés au Fonds Force Covid-19, initialement pointée par un rapport de la Cour des comptes en août 2022, progresse rapidement. Depuis avril 2025, la Division des investigations criminelles (DIC) a procédé à plusieurs interpellations, ciblant d’anciens hauts fonctionnaires, chefs d’entreprise, et personnalités du secteur culturel. Parmi les personnes arrêtées figurent Mamadou Ngom Niang (ex-DAGE du ministère des Sports), Mouhamadou Sène (ex-DAGE du ministère de la Jeunesse), Alimatou Sadiya Guèye (impliquée pour 50 millions FCFA), et Baba Hamdy Diawara (mis en cause pour 81,7 millions FCFA). Une deuxième vague d’interpellations, visant des directeurs administratifs et financiers, a eu lieu le 15 avril, et une troisième est imminente.

Une avancée prudente mais résolue
Malgré ces progrès, le procureur Sylla a insisté sur les défis inhérents à ces enquêtes complexes : « Lorsque dans une procédure sont présents des éléments d’extranéité, les magistrats instructeurs sont obligés de prendre des commissions rogatoires internationales, dont ils ne contrôlent pas les délais d’exécution, ceux-ci étant l’œuvre de magistrats étrangers qui établissent ce travail accessoirement à leurs obligations professionnelles. » Il a toutefois réaffirmé la détermination du PJF : « En dépit de toutes les difficultés, la lutte sera menée de façon rigoureuse dans le respect de la présomption d’innocence, des droits de la défense et des prérogatives de chaque acteur judiciaire. »
Mbacké Fall a renchéri, soulignant que « seule la justice, en toute indépendance, décidera des suites à donner ». Cette prudence répond aux attentes citoyennes tout en respectant les droits des prévenus.

Vers une gouvernance plus transparente
Les 15 milliards FCFA recouvrés, les saisies importantes, et les enquêtes visant d’anciens ministres témoignent d’un engagement fort pour sauvegarder les deniers publics. En respectant les principes d’indépendance et de rigueur, le Sénégal construit une gouvernance plus éthique, répondant à une exigence citoyenne de longue date. Alors que les investigations se poursuivent, avec l’attente d’une décision de l’Assemblée nationale sur les anciens ministres, le pays observe cette nouvelle ère de redevabilité, portée par une justice résolue à faire toute la lumière sur les malversations passées, avec patience, méthode et détermination.

avec seneweb

administrator

Related Articles

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *