Roman : « Une si longue aventure » MAMADOU KASSE DÉPEINT UNE JEUNESSE DÉSŒUVRÉE ET FRUSTRÉE

Roman : « Une si longue aventure » MAMADOU KASSE DÉPEINT UNE JEUNESSE DÉSŒUVRÉE ET FRUSTRÉE

Pour son premier roman, Mamadou Kassé a choisi de raconter « Une si longue aventure ». Ce roman, quelque peu documentaire, est un condensé de traitement de faits d’actualités arrangés dans un récit fictionnel qui interpelle plus les consciences que les émotions.

Le journaliste s’entiche toujours de l’actualité. Le journaliste Mamadou Kassé en donne la preuve par « Une si longue aventure », son tout premier livre paru en fin 2020 aux Éditions L’Harmattan Sénégal. Bien que d’un tissu fictionnel, son roman rend compte du contexte et des humeurs d’une certaine jeunesse désœuvrée et frustrée, candidate obstinée à une émigration nourrie d’accablements sociaux et guidée par une folle soif de réussite. Hypothétique. Pathétique aussi, tel que le sont le personnage et la condition misérables de Mandoumbé autour desquels est construite la trame relatée sur 167 pages et en 27 chapitres.

Mandoumbé est l’un des ces jeunes, au lendemain du siècle 1900, violemment trahis de leur illusion d’un millénaire 2000 où l’or allait partout parer. La vie tumultueuse du bonhomme semble lui avoir été prédestinée. Lui dont la maman est décédée en accouchant de lui et dont l’aridité du temps et de l’économie agressait fiévreusement son environnement durant sa jeunesse. Il jurera par son âme de mériter la vie offerte par sa maman, Nogaye, au détriment de la sienne. Réussir pour cela mais aussi fuir l' »enfer » du décor de son village. Comme instruments de conscience, Mandoumbé puise aux malheurs mal cicatrisés des « atroces stigmates » du passé.

Cependant, sur un terrain trop peu fertile pour fructifier son courage et sa détermination, il tente l’émigration vers l’Europe (« le paradis ») par la voie irrégulière. Sept mois d’odyssée malheureuse dans le Sahara ont durement suffi pour passer le mur pour l’Espagne, avec un groupe qui a compté ses morts et ses survivants mal lichés dont Mandoumbé et son compagnon Mandaw. Ces gus s’apercevront que les lanternes de l’Europe étaient en vrai des vessies.

GALÈRE

Convaincus par les tamponnements de la galère et sept mois de vadrouille en « eldorado », Mandoumbé consent à rentrer pour batailler et réussir au bercail. La plus sage décision, de l’avis de l’auteur. Une vadrouille pas si longue sur le temps mais étendue sur un flot de désillusions et d’échecs.

Le roman n’a rien d’inédit dans sa trame et ses lignes principales. Toutefois trouve-t-il son intérêt dans son ton journalistique, se calquant sur son but qui s’est usuellement voulu informatif. Ainsi l’émotion n’y a pas occupé un grand carré, mais le lecteur reçoit souvent un choc de conscience en parcourant. L’auteur Mamadou Kassé, ancien rédacteur en chef central du quotidien « Le Soleil » et formateur au Cesti, a d’ailleurs subtilement mais brillamment étalé tous les genres journalistiques dans le texte. Les reportages sur le parcours des émigrés irréguliers et le pouls des villages, les interviews à observation directe dans les dialogues, les portraits saisissants et fort imagés des personnages et des cadres, les analyses, commentaires et chroniques sur les sujets et les comptes-rendus de faits font le rythme du bouquin.

REVERS

Faisant parler son expérience de chef des desks Santé, Éducation et Environnement au « Soleil », Mamadou Kassé a pertinemment dessiné des situations. Comme en présentant le revers du système LMD et en soulignant le drame écologique et l’agression de l’environnement qui gagne chaque jour ses mètres carré de dévastation depuis la sécheresse des années 1970. Poussant sa responsabilité plus loin, il chante les vertus du syncrétisme médicinal à travers les bienfaits de la quinine. Ceci, comme pour le prescrire la solution contre la Covid-19 ; cette maladie qui ne rejoint toujours le tableau de la malaria dans sa létalité en Afrique. Le livre expose aussi quelque peu une maîtrise sociale par le choix de noms traditionnels typiques, les mauvais points du mariage précoce et de l’excision, etc. En somme, l’expression d’un journaliste qui passe écrivain. L’écrivain qui est, tel que le conçoit Jean-François Somain (écrivain canadien), journaliste de l’éternel.

avec le soleil

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