L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar est secouée par un scandale sans précédent. La falsification des notes à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines met en lumière des pratiques frauduleuses qui ébranlent la confiance des étudiants et du corps enseignant. Entre indignation, désillusion et quête de justice, la communauté universitaire s’interroge sur l’avenir d’un système censé garantir l’excellence et le mérite
L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), véritable institution académique en Afrique de l’Ouest, est secouée par une affaire qui ternit sa réputation. Au sein du campus, d’ordinaire animé par les échanges intellectuels, les discussions se cristallisent aujourd’hui autour d’un scandale de falsification de notes à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLSH). Ce haut lieu du savoir, où des générations d’étudiants ont forgé leur avenir, est devenu le théâtre d’une affaire de corruption qui révèle des failles profondes du système universitaire.
Sous l’ombre des grands des margousiers de la Faculté des lettres, les étudiants discutent, indignés. Les allées bordées de bancs où d’ordinaire se croisent discussions académiques et débats philosophiques sont aujourd’hui le lieu d’un questionnement collectif. Comment en est-on arrivé là ? Les couloirs de la FLSH résonnent des murmures inquiétants d’une jeunesse qui, hier encore, croyait en la méritocratie. La fraude, mise au jour grâce à la vigilance du chef de département des Lettres modernes, a révélé un système bien organisé. Des incohérences dans les notes ont poussé l’administration à lancer une enquête interne, rapidement confiée à la division de la cybersécurité. Les résultats ont été sans appel : des notes modifiées au profit de certains étudiants de Licence 1 et 2, moyennant des pots-de-vin ou des faveurs en nature.
Entre indignation et désillusion : des étudiants en quête de justice
Dans le grand amphi du bâtiment principal, l’atmosphère est lourde. Les étudiants, assis en petits groupes, discutent à voix basse, comme s’ils redoutaient que le scandale finisse par les toucher eux aussi. Moussa Bakhoum, étudiant en deuxième année en anglais, est abasourdi. « J’ai toujours cru que l’UCAD était un bastion du savoir, où seuls le travail et la persévérance comptaient. Aujourd’hui, je me demande si mes efforts en valent la peine. Des gens paient pour des notes. C’est triste ! » fulmine-t-il.
Pour certains, ce scandale est la confirmation de soupçons de longue date. Mamadou Diokh, un étudiant en histoire, ne cache pas sa colère. « Tout le monde savait qu’il y avait des pratiques douteuses, mais personne ne voulait en parler. Comment expliquer que certains étudiants, invisibles toute l’année, finissent avec d’excellentes notes », a-t-il déclaré.
Au-delà de la tricherie, ce sont les moyens mis en œuvre qui choquent. Ndeye Fall , étudiante en sociologie, dénonce l’utilisation du corps de la femme dans ce système corrompu. « Vendre son corps pour des notes, c’est d’une tristesse absolue. Nous sommes censés nous battre avec notre intelligence, pas être réduites à des marchandises d’échange », regrette-t-elle. La vingtaine, voile rouge sur la tête, redoute que cette affaire ne stigmatise encore plus les étudiantes, déjà victimes de nombreux préjugés.
Une université en quête de rédemption
Dans les bureaux administratifs, c’est l’effervescence. Le Doyen de la faculté s’est empressé de rassurer les étudiants et le corps enseignant, affirmant que des mesures strictes seront prises contre les coupables. « Nous ne laisserons pas une poignée d’individus entacher l’image de cette université, pilier de l’enseignement en Afrique », a-t-il déclaré. Pourtant, certains comme Mariéme Mbaye, étudiante en géographie, pensent que la faute ne revient pas uniquement aux étudiants. « Aucun étudiant n’a accès au système de gestion des notes. S’il y a eu falsification, c’est qu’il y a des complicités internes. L’administration ne peut pas être blanchie dans cette affaire. Les auteurs doivent être punis de la plus belle des manières pour éviter qu’une telle chose ne se reproduise », a-t-elle martelé.
Ce scandale révèle un problème plus profond. La crise de confiance entre les étudiants et le système universitaire. « Nous vivons dans un pays où la corruption est partout. Ce qui se passe à l’UCAD n’est qu’un reflet de ce qui se passe à grande échelle », analyse Jeanne Tine, une étudiante en sciences politiques. Certains appellent à des réformes profondes. Mamadou Lô, qui peine à avancer dans son cursus, dénonce un système défaillant. « Les semestres sont trop courts, la charge de travail énorme, et nous sommes sous pression permanente. Si nous voulons un système juste, il faut revoir entièrement la façon dont l’UCAD fonctionne », fait-il savoir mine renfrognée. Alors que les investigations se poursuivent, la communauté universitaire espère que cette affaire ne sera pas étouffée. Les étudiants demandent des sanctions exemplaires et un renforcement des mécanismes de contrôle pour préserver l’intégrité de leur institution.
Dans les jardins verdoyants du campus une question demeure : l’UCAD parviendra-t-elle à restaurer la confiance de sa jeunesse ? Une chose est certaine, pour ces étudiants déterminés à se battre pour un enseignement de qualité, le combat pour la justice académique ne fait que commencer.
El birame FAYE
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