Grève du SAES à l’UCAD:Entre colère et compréhension, des étudiants s’expriment

Grève du SAES à l’UCAD:Entre colère et  compréhension, des étudiants s’expriment

L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), habituellement en effervescence, présente un visage inhabituel ce matin. Amphithéâtres fermés, cours suspendus, couloirs désertés : le Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (SAES) a décrété un mot d’ordre de grève de 48 heures, paralysant ainsi le fonctionnement de l’institution. Cette nouvelle mobilisation s’inscrit dans un bras de fer persistant entre les enseignants du supérieur et les autorités, autour de revendications liées aux récentes déclarations du Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Dr Abdourahme Diouf sur la prétendue « décret perdu ».

Sur le couloir de la mort, la tension est palpable. Si certains étudiants commencent à rentrer, d’autres préfèrent rester dans les bois pour réviser. Entre frustration et résignation, étudiants et professeurs livrent leurs sentiments sur cette grève qui, pour beaucoup, n’est qu’un épisode de plus dans la série de perturbations qui commence à affecter l’enseignement supérieur sénégalais.

« Si cette grève dure, cela va encore reculer notre calendrier académique » 

Devant la faculté des sciences économiques, un groupe d’étudiants discute de la situation. Certains expriment leur agacement face à une grève qui risque encore de prolonger une année académique déjà perturbée par des retards accumulés. Fadyl Diedhiou, étudiant en deuxième année, ne cache pas son exaspération «  chaque fois, ce sont les étudiants qui en pâtissent. On a du mal à terminer nos programmes. Alors que nous nous approchons de la fin d’une année irrégulière. Si cette grève dure, cela va encore reculer notre calendrier académique », déplore-t-il, mine triste.Un peu plus loin, Seynabou Niang, en licence, relativise la situation. « Je comprends les revendications de nos professeurs. Ils demandent de meilleures conditions de travail, ce qui est aussi dans notre intérêt. Mais c’est nous qui subissons les conséquences, et ça devient difficile », dit-elle. Toutefois, elle souligne que les enseignants doivent tout faire pour finir le semestre. «  On a du mal à finir notre troisiéme année. Et boum ! Ça recommence de la plus belle manière », déplorent-elle d’un ton nasillard.Pour Racky Ba, doctorante en sciences de l’éducation, la situation devient insoutenable. « Ce cycle de grèves à répétition met en péril la qualité de notre système universitaire. Il est urgent que les autorités et les syndicats trouvent un accord durable. Sinon, c’est tout le pays qui en pâtira, car une université en crise produit une jeunesse fragilisée », fustige-t-elle.

Des étudiants compréhensifs

D’autres étudiants, bien que compréhensifs vis-à-vis des doléances des enseignants, regrettent le manque de solutions durables. Ababacar Mbaye , étudiant en Master en Biologie exprime un avis plus nuancé. « Il faut que l’État prenne ses responsabilités. Si les professeurs se battent pour de meilleures conditions, c’est parce qu’ils sont confrontés à des réalités difficiles. Mais il faut trouver un compromis pour ne pas sacrifier l’avenir des étudiants », avance-t-il.Surpris en train de réviser dans le jardin luxuriant de la faculté de droit, Astou Thiam estime que la grève des professeurs est compréhensible. Car, selon elle, « c’est une nécessité pour lutter contre la détérioration de leurs conditions de travail surtout après la retraite  ». « Cela fait des mois qu’ils alertent sur les problèmes qui gangrènent l’enseignement supérieur. Mais rien n’est fait.Nos infrastructures sont insuffisantes, les classes sont surchargées et nos salaires ne reflètent pas nos efforts. Nous sommes conscients que cela pénalise les étudiants, mais nous n’avons pas d’autre choix », fait-elle savoir.Même son de cloche du côté de Pape Signaté, doctorant en biologie, trouvé sur le hall du bâtiment de la Faculté des Sciences. Pour lui, les universités publiques sénégalaises souffrent d’un manque criant de ressources. Cette grève est un cri d’alarme. « Nous voulons que l’État prenne au sérieux les revendications des enseignants, notamment la restauration de la dignité des chercheurs décédés. Ce n’est pas contre les étudiants, mais les professeurs ne défendent que leurs intérêts », se limite-t-il à dire.

 Nous réclamons la restauration de la dignité des familles des enseignants- chercheurs décédés »

Le SAES, en première ligne de cette grève, dénonce ce qu’il qualifie de « show politico-médiatique » sur la prétendue négociation des syndicats avec ses supérieurs. Pour un Professeur rencontré à la Faculté de médecine et qui préféré s’exprimer sous l’anonymat, le ministre tutelle est responsable de la situation. « Nous avons multiplié les alertes et les négociations, mais nos demandes restent sans suite. Nous réclamons la restauration de la dignité des familles des enseignants- chercheurs décédés. Cette grève est un avertissement, et nous espérons que les autorités prendront enfin leurs responsabilités », rappelle-t-il.Selon le SAES, cette mobilisation de 48 heures pourrait être reconduite si aucune avancée significative n’est enregistrée. Une menace qui fait craindre un enlisement de la crise et une prolongation des perturbations académiques.Cette grève du SAES s’inscrit dans un contexte plus large de crises récurrentes dans l’enseignement supérieur sénégalais. Depuis plusieurs années, les universités publiques font face à des défis structurels : amphithéâtres bondés, manque de laboratoires, bibliothèques sous-équipées et conditions de vie précaires pour les étudiants.Alors que les 48 heures de grève touchent à leur fin, l’incertitude demeure. L’État cédera-t-il aux revendications du SAES ? Le syndicat durcira-t-il son mouvement ? Une chose est certaine : étudiants et enseignants attendent des réponses concrètes pour sortir de ce cercle vicieux qui paralyse les universités du Sénégal.

Letemerair.info

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