Gestion des finances publiques au Sénégal: Des réformes et poursuites judiciaires après le rapport de la Cour des comptes

Gestion des finances publiques au Sénégal: Des réformes et poursuites judiciaires après le rapport de la Cour des comptes

Le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des finances publiques du Sénégal entre 2019 et mars 2024 a été publié mercredi dernier. Il a mis en lumière de graves irrégularités budgétaires, des pratiques comptables opaques et un niveau d’endettement alarmant. Face à ces constats, le gouvernement, sous l’impulsion du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko, a pris une série de mesures visant à rétablir l’équilibre budgétaire et à engager des poursuites judiciaires contre les responsables des anomalies constatées.

Lors d’un point de presse tenu hier à Dakar, le ministre des Finances et du Budget, Cheikh Diba, a tenu à rappeler que l’audit ayant conduit à ce rapport a été initié sous l’impulsion des plus hautes autorités du pays. « C’est sur instruction des plus hautes autorités que le ministère des Finances et du Budget a initié un audit global des finances publiques. Un exercice qui s’inscrit dans une volonté de clarification et de redressement, en conformité avec les principes édictés par la loi sur la transparence budgétaire », a-t-il déclaré. Cet audit, mené par l’Inspection Générale des Finances (IGF) en collaboration avec la Cour des comptes, a permis d’analyser en profondeur la gestion budgétaire du pays sur les cinq dernières années, a-t-il rappelé. L’évaluation a porté sur l’ensemble des engagements financiers de l’État, y compris la dette publique et les dépenses engagées en dehors des circuits budgétaires classiques.

Des déficits budgétaires inquiétants et une dette insoutenable

Le rapport de la Cour des comptes dresse un tableau préoccupant de la situation financière du Sénégal. Le déficit budgétaire moyen annuel s’élève à 11,1% du PIB entre 2019 et 2023, avec une dette publique atteignant 99,67% du PIB en décembre 2023. Une situation qui, selon Cheikh Diba, est le résultat d’une gestion laxiste et de nombreuses irrégularités dans la passation des marchés publics.

« Ce qu’il faut retenir, c’est que ce rapport est une photographie fidèle de la situation financière du pays. Il confirme et valide les constats établis par l’Inspection Générale des Finances, met en lumière des insuffisances qu’il est désormais impératif de corriger avec rigueur et détermination », a insisté le ministre.

De son côté, le ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, Abdourahmane Sarr, a détaillé les mécanismes ayant contribué à l’accumulation de cette dette abyssale. Il pointe du doigt des pratiques budgétaires douteuses, notamment l’engagement de dépenses en dehors des circuits normaux sans autorisation parlementaire, ainsi que des transferts de fonds vers des comptes de dépôt de l’État pour financer des dépenses non inscrites dans les lois de finances.« Beaucoup de dépenses ont été engagées sans autorisation parlementaire, et cela a été facilité par des pratiques consistant à utiliser des lettres de confort ou des lettres de couverture budgétaire pour justifier des engagements financiers en dehors des circuits budgétaires normaux », a-t-il expliqué. Cette situation a entraîné un endettement massif, aggravé par des prêts contractés auprès du secteur bancaire local et des décaissements opérés sur des financements extérieurs.

Amorcer des réformes structurelles pour restaurer l’équilibre budgétaire

Face à ces défis, le gouvernement a annoncé une série de réformes structurelles ambitieuses pour restaurer la discipline budgétaire et assurer la soutenabilité des finances publiques. L’objectif principal est de ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB dans un horizon raisonnable et de réduire progressivement la dette publique à 70% du PIB d’ici 2029-2035.

« Nous nous engageons dès aujourd’hui à mettre en œuvre des réformes structurelles ambitieuses pour garantir la soutenabilité budgétaire et la prospérité de notre nation », a affirmé Cheikh Diba.

Pour atteindre cet objectif, le gouvernement prévoit de renforcer le contrôle des dépenses publiques, d’améliorer la transparence budgétaire et de mettre en place une nouvelle stratégie d’endettement visant à réduire l’exposition de l’économie sénégalaise aux fluctuations des devises étrangères. Abdourahmane Sarr a également annoncé l’instauration d’un Comité national de la dette, ainsi que la restructuration du front-office et du back-office de la gestion de la dette afin d’assurer une meilleure coordination entre les différentes institutions impliquées.

Une justice mobilisée pour sanctionner les responsables des malversations

Au-delà des mesures économiques, le gouvernement entend aussi poursuivre les auteurs présumés des irrégularités financières révélées par le rapport. Le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, a annoncé que la Haute cour de Justice et le Pool judiciaire financier seront bientôt activés pour enquêter sur les faits relevés par la Cour des comptes. « L’exploitation de ce document a permis de relever des coûts élevés de la dette et des manquements graves qui pourraient revêtir diverses qualifications pénales : faux en écriture, faux en informatique, détournement de deniers publics, escroquerie portant sur des deniers publics, blanchiment d’argent et enrichissement illicite, complicité et recel », a détaillé le ministre. « Des enquêtes approfondies seront menées pour identifier et entendre tous les auteurs, coauteurs et complices présumés, avec pour objectif de les traduire devant les juridictions compétentes », a-t-il promis.

Macky Sall dans le viseur de la justice ?

La question d’éventuelles poursuites contre l’ancien président Macky Sall a également été posée lors de la conférence de presse. Le ministre de la Justice est resté prudent, précisant que le rapport ne mentionne pas explicitement le délit de haute trahison, mais que l’enquête suit son cours.« Je ne vais pas entrer dans des considérations que je ne maîtrise guère. Nous sommes dans une dynamique d’enquête et rien n’est exclu », a-t-il déclaré. Toutefois, il a souligné que des malversations financières de grande ampleur ont bien été identifiées et que les montants détournés sont clairement précisés dans le rapport.

Avec la publication du rapport de la Cours des Compte, le Sénégal se trouve à un tournant crucial dans la gestion de finances publiques. Le gouvernement de Diomaye Faye s’est engagé à rétablir la discipline budgétaire, à renforcer la transparence et à sanctionner les abus du passé. Le défi reste immense, mais la volonté affichée par les nouvelles autorités laisse entrevoir des changements radicaux dans la gestion des deniers publics. L’avenir dira si ces engagements seront tenus et si les réformes annoncées permettront de restaurer la confiance des citoyens et des investisseurs dans la gestion des finances publiques. En attendant, la justice est en marche, et les Sénégalais restent attentifs aux suites qui seront données à cette affaire. Croisons les doigts !

letemerair.com

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