À propos de la réinstauration du contrôle et de la surtaxe des appels internationaux entrant

À propos de la réinstauration du contrôle et de la surtaxe des appels internationaux entrant

Le Premier ministre, au cours de la présentation de sa DPG, a annoncé la décision du Gouvernement de réinstaurer le contrôle et la surtaxe des appels internationaux entrant.

• La Surtaxe
Quelques éléments d’histoire sur le contrôle et la surtaxe au Sénégal

En 2010 et 2011, l’affaire dite des appels internationaux entrant fut une secousse tellurique qui a fortement ébranlé l’écosystème du numérique. Prétextant un besoin légitime et tout à fait compréhensible de contrôler les statistiques fournies par les opérateurs sur la base des call data record (Cdr) et malgré tout le dispositif institutionnel, légal et réglementaire, l’Etat du Sénégal avait adopté les décrets 2010-632 et 2011-1271 en 2010 et 2011.

Ces deux décrets instituaient une surtaxe de 49,20 FCFA, sur le prix de la terminaison vers un téléphone mobile et 91,83 FCFA vers un téléphone fixe soit une augmentation de 141,03 FCFA sur le prix de terminaison vers le Sénégal.

Outre le besoin de contrôle, les partisans de la surtaxe évoquaient l’objectif d’une meilleure répartition des revenus entre l’Etat et les Telcos, d’une part et la lutte contre la fraude, d’autre part !!!

Dans le cadre de la mise en œuvre de ces décrets, l’Etat avait conclu un partenariat avec un opérateur privé International. Sur la base de cette convention, l’Etat devait percevoir 51% et le partenaire 49 % des recettes collectées sur une prévision de cinq milliards par mois, soit respectivement deux milliards cinq cent cinquante millions et deux milliards quatre cent cinquante-quatre millions.

À ce sujet, le partenaire devait fournir un équipement à installer dans les centraux des opérateurs Telco, équipement évalué à l’époque a près d’un million de dollars!

En réalité, sous les oripeaux d’une prétendue opération de contrôle, se cachait une véritable entreprise d’escroquerie pour partager les ressources « entre amis ». Sinon comment comprendre qu’un privé puisse bénéficier dans le cadre d’une convention, d’une manne financière de deux Milliards quatre cent millions par mois (2.450.000.000 FCFA avec un investissement d’un million de dollars avec quasiment zéro emploi crée ? Où est ce qu’on peut trouver un tel niveau de rentabilité sinon dans la mafia de la drogue ?

Les conséquences immédiates furent l’augmentation des tarifs au départ des pays émetteurs et l’application de la réciprocité au niveau de la réception ; En plus de cette augmentation des tarifs entre 20 et 100 % selon une étude de Balancing Act, il s’en suit une diminution des

volumes et un renchérissement de la fraude. À partir de 2009, beaucoup de pays Africains avaient succombé aux mirages d’un opérateur qui a trouvé avec cette surtaxe une aubaine pour s’enrichir à moindre frais !! Mais cette mesure fut décriée par la quasi-totalité des spécialistes au plan national comme au plan international au niveau des instances de l’UIT sur la base de la convention de Melbourne, du au Règlement des Télécommunications Internationale, et à la convention D140, mais aussi par la CTOA et le GSMA. En plus, elle est en contradiction avec les directives de l’UEMOA et de la CDEAO qui appellent plutôt à des baisses du prix de la minute dans leur espace respectif. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains pays comme le Gabon, la Cote d’Ivoire le Burkina ont vite fait de l‘abandonner, une étude du cabinet Deloitte illustre parfaitement cette situation.

À la suite d’une vaste campagne nationale et internationale, le Président Wade finit par faire adopter le décret 2010-1524 qui suspend les articles 6 à 11 annulant la surtaxe. Néanmoins, Toujours est-il que dès la première application, Sonatel a versé en 2010 la somme de près de quatorze milliards que nous n’avons jamais pu tracer dans les différentes lois de finances. Tantôt on dit que ça aurait servi à financer le Fesman, tantôt ça aurait servi à l’armée donc, mystère et boule de gomme y compris pour la quote-part de l’opérateur privé !!

Mais en 2011, le Président remet la surtaxe qui ne sera abrogée qu’avec l’arrivée du Président Macky Sall.

Dans le cadre de l’exécution du décret 2011-1271, une autorité m’a invité au palais pour me proposer 2 milliards pour accompagner les coopératives d’habitat de Sonatel, 5 milliards aux centrales syndicales pour construire leurs sièges, des promesses aussi à la diaspora pour des coopératives d’habitats, 2 milliards que réclamait une égérie de l’ancien régime du Président Wade pour la construction de maisons pour les femmes !!!

Pourquoi tant d’énergie ….financière pour un projet censé bénéficier au développement économique et social de notre pays ????

Curieusement les personnes qui portaient de telles propositions sous Wade sont aujourd’hui bien installées dans les sphères du pouvoir.

Il semblerait que l’Etat, sous le Président Macky Sall, a fini par rembourser à l’opérateur partenaire une somme de quinze milliards (15) sur la base d’un protocole d’accord à hauteur de 250 millions par mois sur cinq ans. Les journalistes d’investigation pourront vérifier la véracité de cette information auprès des structures habilitées.

Aujourd’hui, l’Etat veut remettre la surtaxe sur les appels internationaux entrant dans sa stratégie de mobilisation de ressources pour financer les projets de développement économiques et sociaux. C’est une excellente chose surtout que l’Etat articule cette démarche autour d’une vision et d’une grande ambition de souveraineté nationale.

Mais le hic c’est de baser cette stratégie sur une hypothèse élaborée en 2010 dans un environnement aussi disruptif que le numérique !!! Les tenants de cette hypothèse ont fait croire au Premier Ministre que le Sénégal aurait perdu 600 Milliards faute de ne pas avoir appliqué la taxe ; ce qui est archi faux pour la bonne et simple raison que sur la base du partenariat conclu par l’Etat, 51 % devraient lui revenir à la seule condition que les volumes soient constants de 2012 à nos jours.

Mais ceux qui font de telles allégations oublient qu’après que l’ARMP ait cassé le contrat de l’opérateur, la Cour Suprême par arrêt N° 59 du 8 Novembre 2012 avait annulé les décrets 2010-632 et 2011-1271, annulé la circulaire N° 1919 de l’ARTP et ordonné la restitution à Sonatel des amendes consignées !

Mais même en ne tenant pas compte de cette décision, il est de notoriété publique que depuis lors, les OTT (Over the top) ont fini d’envahir le marché et quasiment plus personne n’appelle en dehors de watsapp, Télégram, Signal et autre Messenger. Aujourd’hui, les appels internationaux entrant représentent une portion congrue, moins de 0,5 % du chiffre d’affaires des Telcos. En étant optimiste, cela pourrait rapporter la première année moins de cinq milliards avant de disparaitre peut être dès l’année suivante !!

S’il y’a des niches de ressources, ce n’est vraiment pas vers les appels internationaux entrant qu’il faut aller !

Que dire du Contrôle ?

Cette disposition est une prérogative régalienne de l’Etat qui doit l’exercer dans toute sa plénitude. De ce point de vue, en ce qui concerne les opérateurs, l’Etat dispose d’un instrument qu’est l’Artp qui bénéficie de toutes les dispositions légales et réglementaires pour l’exercer à la charge des opérateurs.

En ce qui concerne le cas spécifique de Sonatel, outre les compétences de l’Artp, l’Etat dispose de représentants au sein du conseil d’administration. Pour ce que j’ai personnellement vécu, dans cette instance l’Etat avait été toujours représenté à un très haut niveau. Il y’a eu toujours des représentants de la Présidence et du ministère des Finances tels que Thierno Ousmane Sy, Abdou Aziz Mbaye (Conseillers techniques en charge des Tic du Président Wade et du Président Macky ), Cheikh Bèye ancien Directeur du Budget , Bassirou Samba Niasse ancien Dg des Impôts et Domaines et ancien Directeur de cabinet au ministère des Finances, Mamadou Sarr ancien ministre du Budget, Cheikh Tidiane Diop Directeur Général de la Comptabilité publique et du Trésor, Abdoulaye Diop, ancien ministre du Budget et actuel Président de la commission de l’Uemoa . À ces personnalités dont la compétence et la probité morale sont reconnues par toutes les personnes qui ont eu à les côtoyer, il faut ajouter des colonels Directeur des Transmissions et des représentants du contrôle financier. Aujourd’hui siègent au conseil, Monsieur François Colin, Inspecteur Général d’Etat, ancien vérificateur général, Secrétaire Général adjoint de la Présidence, Monsieur Abdoulaye Sambe Secrétaire Général du ministère des Finances, le Colonel Babacar Diagne Directeur des Transmissions un représentant du Contrôle financier, compte non tenu de la présence de Cheikh Tidiane Mbaye et d’Alioune Ndiaye qui, à la suite d’Alassane Dialy NdIaye, ont contribué à bâtir ce fleuron voilà bientôt quarante ans.

Le personnel a successivement été représenté au conseil par Ibrahima Konté, Mamadou Aidara Diop et aujourd’hui Achirou Ndiaye. Vous conviendrez avec moi que l’Etat dispose sous ce rapport de tous les moyens pour mener à bien cette activité, au sein du Conseil du principal Champion national de notre écosystème Numérique.

Il est évident que la conjonction de nos efforts à tous et toutes dans une dynamique de co- construction peut nous permettre de tirer notre épingle du jeu d’un avenir numérique porteur d’un développement économique social harmonieux et inclusif.

C’est là toute la pertinence de notre appel à de larges concertations nationales sur l’avenir numérique du Sénégal, comme en 83 pour la création de Sonatel, en 95 pour la réforme du secteur et en 2004 pour la libéralisation. Les compétences existent ici dans le pays, mais aussi dans la diaspora, disponibles et disposées à apporter patriotiquement leur contribution à la construction de ce pays que nous aimons tant.

À propos de la réinstauration du contrôle et de la surtaxe des appels internationaux entrants

Lors de la présentation de sa Déclaration de Politique Générale (DPG), le Premier ministre a annoncé la décision du Gouvernement de réinstaurer le contrôle et la surtaxe des appels internationaux entrants.

La surtaxe : retour sur l’histoire

En 2010 et 2011, la question des appels internationaux entrants a fortement secoué l’écosystème numérique du Sénégal. Prétextant un besoin légitime de contrôler les statistiques fournies par les opérateurs sur la base des call data records (CDR), et malgré un cadre institutionnel, légal et réglementaire déjà en place, l’État du Sénégal avait adopté les décrets 2010-632 et 2011-1271.

Ces décrets instituaient une surtaxe :
• 49,20 FCFA sur les appels vers un téléphone mobile,

  • 91,83 FCFA sur les appels vers un téléphone fixe,
  • soit une augmentation totale de 141,03 FCFA par appel en destination du Sénégal.

Objectifs annoncés et mise en œuvre

  • Les partisans de la surtaxe justifiaient cette mesure par :
  • un besoin de contrôle accru,
  • une meilleure répartition des revenus entre l’État et les opérateurs,
  • la lutte contre la fraude.

Un partenariat avait été conclu entre l’État et un opérateur privé international. Selon cet accord, 51 % des recettes devaient revenir à l’État et 49 % au partenaire privé, pour des prévisions de cinq milliards FCFA par mois. Ce dernier devait également fournir un équipement évalué à un million de dollars pour le contrôle.

Cependant, cette initiative s’est révélée être, en réalité, une opportunité d’enrichissement pour des intérêts privés :

Le partenaire percevait près de 2,45 milliards FCFA par mois, un retour sur investissement exceptionnellement élevé pour un coût initial minime.

Les tarifs des appels internationaux ont augmenté de 20 % à 100 %, entraînant une baisse des volumes et une recrudescence de la fraude.

Critiques et contestations

Cette mesure a été critiquée par des acteurs nationaux et internationaux :

Contradiction avec les engagements de l’UEMOA, de la CEDEAO et les conventions internationales comme celles de l’UIT.

Abandon par certains pays africains (Côte d’Ivoire, Gabon, Burkina Faso) après évaluation de ses effets négatifs.

En 2010, sous la pression, le Président Abdoulaye Wade a suspendu la surtaxe. Mais elle a été réintroduite en 2011 avant d’être abrogée avec l’arrivée du Président Macky Sall.

Aujourd’hui : un choix discutable

Le Gouvernement actuel souhaite réinstaurer cette surtaxe dans le cadre de sa stratégie de mobilisation des ressources pour financer des projets de développement.

Cependant, cette initiative soulève plusieurs questions :

1. Les appels internationaux entrants ne représentent plus qu’une portion congrue (moins de 0,5 % du chiffre d’affaires des Telcos) en raison de l’essor des applications comme WhatsApp, Telegram, Signal, et Messenger.

2. Des estimations exagérées : prétendre que le Sénégal a perdu 600 milliards FCFA faute d’avoir appliqué cette surtaxe repose sur une hypothèse dépassée.

Le contrôle : une prérogative régalienne

L’État dispose déjà d’un instrument, l’ARTP, pour exercer ses missions de contrôle, soutenu par un cadre légal solide. Par ailleurs, dans le cas spécifique de Sonatel, des représentants de l’État siègent au conseil d’administration. Ces personnalités, reconnues pour leur compétence et leur probité, disposent des moyens nécessaires pour assurer un suivi efficace.

Conclusion : un appel à la concertation

L’avenir numérique du Sénégal nécessite une stratégie claire, fondée sur une dynamique de co-construction. Des concertations nationales similaires à celles de 1983 (création de Sonatel), de 1995 (réforme du secteur) ou de 2004 (libéralisation) pourraient permettre de mobiliser les compétences nationales et de la diaspora.

Ainsi, en orientant les efforts vers des niches de revenus pertinentes et en misant sur une gestion inclusive et transparente, le Sénégal pourra poser les bases d’un développement numérique harmonieux et durable.

Mamadou Aïdara DIOP, ancien SG du Syndicat des travailleurs de la Sonatel (SYTS)

administrator

Related Articles

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *