Qui aurait cru que après 13 ans de combat, l’armée syrienne allait s’effondrer en quelques jours. Inédit ! Les cartes géopolitiques sont rabattues dans une région dont les alliance sont complexes. Si la Russie et l’Iran ont subi un revers de taille. Par contre, Israël, les États-Unis et la Turquie obtiennent un gain stratégique majeur.L’Iran et la Russie semblent avoir pris leurs distances avec Bachar al-Assad, désormais perçu comme un dirigeant encombrant et sourd aux appels en faveur de pourparlers de paix.
Le soutien au régime syrien s’est avéré particulièrement coûteux pour l’Iran, qui n’a pas obtenu les bénéfices escomptés de son engagement.
Un soutien iranien fragilisé
L’armée syrienne, sous le commandement d’Assad, a démontré une inaction flagrante face aux défis posés par Israël à son allié stratégique, le Hezbollah. Lorsque ce dernier s’est retrouvé confronté à l’État hébreu, Damas a choisi de ne pas intervenir, allant même jusqu’à fermer les yeux sur les incursions israéliennes dans l’espace aérien syrien visant à détruire les capacités militaires du « parti de Dieu ».La mort de Hassan Nasrallah a marqué un tournant, mais Damas est restée immobile. Bachar a préféré joué la carte de la neutralité. Pour Téhéran, continuer à soutenir un dirigeant jugé de moins en moins utile n’était plus une option viable. L’Iran a énormément financé pour maintenir le régime Assad au pouvoir : Armes, fioul, combattants…..Cependant, la chute du Raïs constitue un revers majeur pour l’axe de la résistance. Le lien stratégique Irak-Liban s’effondre, et le Hezbollah risque de se retrouver dans un « complexe obsidional » qui pourrait l’isoler durablement. Comme le résume un analyste iranien : « Celui qui contrôle la Syrie contrôle le Liban. »
Le pillage de l’ambassade d’Iran à Damas et les critiques acerbes de Joulani à l’encontre de Téhéran n’augurent rien de bon pour bon pour les dirigeants iraniens. Vu la complexité des acteurs, l’Iran pourrait être également tenté de mettre sur pied une milice à l’image du Hezbollah en Syrie. Les alaouites seront-ils tenté ? Par ailleurs, la République Islamique peut-être tenté de revoir sa politique de sécurité regionale. L’Iran a longtemps misé sur ses milices » satellites » pour mettre la pression sur ses adversaires géostratégiques. Cette méthode commence à s’essouffler. Le nucléaire pourrait être un ultime recours pour sanctuariser son territoire. N’oublions pas que l’Iran est un État » seuil ».
La Russie face à ses propres priorités
Pour Moscou, les enjeux sont ailleurs. Engagée dans le conflit en Ukraine, qui constitue une lutte vitale pour infliger une défaite stratégique à l’OTAN, la Russie ne peut se permettre l’ouverture d’un second front. Les troupes russes progressent vers Pokrovsk, un nœud stratégique dans ce conflit. Jamais depuis le début du conflit, l’armée russe n’a engrangé autant de succès en si peu de temps. Trump veut des négociations. Pour Poutine, il faut être en position de force. L’Ukraine est plus stratégique que la Syrie. Un combat existentiel pour stopper l’avancée de l’ Otan à ses frontières. L’attitude inerte de l’armée syrienne a renforcé l’idée que le régime Assad ne représentait plus un atout stratégique.
Aujourd’hui, Moscou a offert l’asile à Bachar al-Assad, tout en tournant la page. Ses priorités se concentrent désormais sur la préservation de ses bases militaires à Tartous et Lattaquié, des points d’appui essentiels pour son accès aux mers chaudes. Peskov a souligné que le Kremlin maintien le contact avec les nouveaux maîtres de la Syrie.
Un conflit toujours complexe
Malgré ces bouleversements, le conflit syrien est loin d’être résolu, et l’Occident ne peut se proclamer vainqueur. Le Hayat Tahrir al-Sham (HTS), bien que sollicité, reste associé à des antécédents terroristes indélébiles.Pendant ce temps, la Turquie poursuit ses manœuvres dans l’est syrien en appui à l’Armée nationale libre, tandis que l’État islamique continue d’opérer dans le désert syrien. De leur côté, les Kurdes bénéficient toujours du soutien des États-Unis. Cette situation instable maintient la région dans une impasse stratégique, où aucune issue claire ne se dessine. Les mois à venir seront déterminants.
Les grands gagnants : Israël, les États-Unis et la Turquie
Dans cet imbroglio, Israël et la Turquie apparaissent comme les principaux bénéficiaires.Ankara, premier soutien de l’Armée syrienne libre et du Hayat Tahrir al-Sham, profite de la recomposition géopolitique pour renforcer son influence. Recep Tayyip Erdoğan, qui n’a jamais caché ses liens avec d’anciens cadres du Front al-Nosra, entend capitaliser sur cette opportunité, bien que la question kurde demeure un obstacle majeur. Les milices kurdes, soutenues par Washington, continuent de contrôler l’est de la Syrie.Quant à Israël, son objectif est clair : maintenir la Syrie dans un état de chaos perpétuel. Les récentes frappes israéliennes, visant des dépôts d’armes syriens et des positions du Hezbollah dans la région de Quneitra, en témoignent. L’État hébreu semble déterminé à éliminer toute présence iranienne ou liée au Hezbollah dans cette zone stratégique. Israël se débarrasse ainsi d’un ennemi encombrant. Netanyahu ne cache plus sa satisfaction. Le Tsahal est même entrée dans la zone tampon du Golan. Un levier de pression ? Biensur, l’Etat hébreu ouvre les perspectives d’un accord de paix.
Un avenir en point d’interrogation
La chute de Bachar al-Assad ne règle pas pour autant la complexité de la situation syrienne. La multiplicité des acteurs présents sur le terrain rend difficile toute prévision sur la nature du régime post-Assad. Certains analystes évoquent un éventuel accord entre Donald Trump et Vladimir Poutine, suggérant un troc géopolitique : « Vous prenez la Syrie, et nous prenons le Donbass. » Mais pour l’instant, ces spéculations restent à confirmer. Les jours et mois à venir pourraient apporter des clarifications.
El Hadji Ibrahima Faye